Dans le cadre des élections municipales de Grenoble, Le Bon Plan a sollicité chacun des neuf candidats afin de leur poser une série de mêmes questions consacrées aux problématiques sociales.
Nous avons rencontré Catherine Brun, candidate et tête de liste Lutte Ouvrière – accompagnée de Vincent Robert, militant du parti résidant à Saint-Égrève.
Pensez-vous que la représentativité des précaires au sein des institutions municipales est nécessaire et suffisante ? Que peut-on faire, autrement, pour donner plus de place aux précaires au sein des actions citoyennes ?
Les précaires, comme tous les travailleurs, doivent se faire entendre. Aujourd’hui on ne les entend pas, ils sont atomisés chacun dans leur coin. Les luttes d’ensemble du monde du travail doivent leur donner la parole. Je sais que la municipalité peut dire : « on va leur donner un cadre d’expression », et tant mieux, plus on les entendra mieux cela vaudra, mais est-ce que cela va résoudre la précarité ? Non. C’est important, mais ça ne suffira pas.
La précarité est un problème qu’il faut résoudre, en répartissant le travail entre tous avec maintien d’un salaire décent, qui n’a rien à voir avec celui de la précarité ou du RSA, à hauteur de 1700 euros nets, minimum. Parce que les capitalistes ont les moyens de payer ! Cela peut paraître utopiste, mais chaque fois que les travailleurs précaires ont pu se faire entendre, se faire respecter, c’est hors du cadre des institutions : dans la rue, dans les luttes.
Quelles initiatives sont à mettre en place ou à pérenniser en faveur des précaires dans la municipalité? (accès aux crèches, aide au soutien scolaire, etc.)
Tout cela devrait être gratuit, évidemment. Mais on ne se poserait même pas la question si tous les gens avaient des salaires décents et pourraient avoir accès à tous ces services, dont la gratuité devrait d’ailleurs être la priorité. Aujourd’hui, la priorité, ce sont les profits. On les alimente avec des crédits d’impôts, des pactes de responsabilité… Les milliards que l’on devrait verser au service public, on les verse au patronnat ou aux banques. Tout cela me révolte. Je suis pour la gratuité des services publics, pour que les précaires aient un accès gratuit à tout, mais surtout et avant tout pour un emploi pour tous, décemment payés. C’est ce système qui crée de la misère, qui crée de la précarité, et nous représentons un courant qui demande des mesures d’urgence pour en finir avec le chômage, avec les bas salaires, avec la misère. Notre programme est un programme de lutte !
Que faire pour pérenniser ou augmenter les capacités d’accueil des plus démunis ? Celui-ci doit-il uniquement passer par des associations, et comment les soutenir et s’assurer de leur bon fonctionnement ?
Ils sont plus de mille dans la rue aujourd’hui. Et c’est un scandale que cela passe par des associations qui n’ont pas de moyens, ce devrait être un service public d’État. L’État devrait prendre en charge la construction des millions de logements sociaux dont on a besoin aujourd’hui. Le droit au logement est élémentaire et il faut une réponse massive, en engageant des moyens d’état. Dans certains foyers, il y a des vols, il y a du bruit, il y a de la violence…
Les propositions que l’on fait aux personnes dans la rue sont brutales, totalement indécentes, et ce n’est pas respecter ce qu’elles souhaitent. Réinsérer les gens petit à petit, leur offrir un emploi, leur offrir une dignité, parce que tous ces gens sont très dignes et veulent continuer à vivre dignement, il me semble que cela devrait être la priorité d’une société. L’État prend des mesures contraignantes contre les pauvres. Nous, nous sommes pour que l’État prenne des mesures contraignantes contre les riches.
Comment résoudre les problèmes d’accès au logement social (en particulier le temps d’attente) et celui-ci est-il la seule piste pour lutter contre le mal-logement ? Faut-il entrevoir un partenariat public-privé ?
Il faut un service public d’État, qui ne passerait pas par les bétonneurs. L’employeur, l’État, embaucherait directement tous les gars qu’il faut pour construire des logements, à des coûts évidemment bien moins importants que ceux qui sont actuellement en vigueur dans le marché. Là, on répondrait vraiment aux besoins des gens : on aurait des logements décents, avec des loyers moins chers, accessibles à tous. Et comment se fait-il que des communes comme Corenc ou Saint-Ismier ne respecte pas la loi, et refuse les quotas imposés de logements sociaux ? C’est un racisme anti-pauvre : les pauvres, c’est pour les communes populaires. On rajoute la misère à la misère. Un service public d’État répondrait à ces problèmes, vite.
Au-dela de la seule question du logement social, le logement sur Grenoble est trop cher, les loyers élevés empêchent les travailleurs les plus modestes à accéder à des logements décents. Que peut faire la mairie ?
Les mairies, elle sont coincées. Elles sont déjà étranglées par la dette, par les moyens de moins en moins importants de leurs habitants, et elles sont étranglées également par les subentions qui viennent de l’État, qui annonce encore dix milliards d’économies dans les années à venir. On contstruit des logements sociaux à Grenoble, mais pas assez vite. Il y a une urgence et personne ne répond à cette urgence parce qu’on laisse la construction aux mains du privé, qui ne permet pas d’accéder au logement, ni pour les revenus modestes, ni pour les revenus moyens.
Mais sincèrement, aucun des problèmes sociaux comme le chômage ou le logement ne peuvent se résoudre à l’échelle d’une municipalité, c’est pourquoi nous faisons une campagne nationale. Les loyers devraient être limités de façon contraignante, parce que faire des profits là-dessus, c’est dégueulasse !
Si vous étiez élue, quelles seraient vos priorités en matière sociale ? Pouvez-vous établir un « top 3 » de vos priorités dans ce domaine ?
Les problèmes vitaux des gens que sont le chômage, le niveau des salaires, le logement, ne peuvent pas être résolus à l’échelle locale. Et ces urgences, j’insiste, nécessite une colère massive, consciente de tout le monde du travail. C’est un mai 68, un juin 36, qui pourront faire changer la peur de camp, inverser le rapport de force. Dans les élections aujourd’hui, les gens sont démoralisés par les politiques qui se sont succédées et cela fait le lit de l’extrème-droite, qui est quand même notre pires ennemie. Nous voulons utiliser ces élections pour permettre aux travailleurs de voter pour un camp : le camp des ouvriers, le camp des travailleurs. La gauche ne répond pas aux attentes des gens, non pas parce qu’elle ne le peut pas, mais parce qu’elle ne le veut pas, parce que ce n’est pas son camp.
Aujourd’hui, il faut voter dans le camp des ouvriers. Et ce ne sont que des élections : l’important, c’est que demain éclate une autre colère, à un autre niveau qu’au niveau électoral. Les problèmes vitaux des gens, c’est le chômage, la misère, le logement, les salaires, la misère. Face au chômage : interdiction des licenciements, répartition du travail entre tous. Augmentation des salaires, indexation sur le coût de la vie. Et puis : transparence des comptes, aussi bien des comptes des municipalités que ceux des grandes banques ou des grands industriels, qui se permettent de licencier alors qu’ils font des milliards de bénéfices. Et tout cela, ce n’est pas au niveau local qu’on l’obtiendra, mais au niveau d’un mouvement de masse, et de colère !