Dans le cadre des élections municipales de Grenoble, Le Bon Plan a sollicité chacun des neuf candidats afin de leur poser une série de mêmes questions consacrées aux problématiques sociales.
Le Bon Plan a rencontré Maurice Colliat, tête de liste « Pour la défense des droits ouvriers et des services publics », candidat du Parti Ouvrier Indépendant (POI).
Pensez-vous que la représentativité des précaires au sein des institutions municipales est nécessaire et suffisante ? Que peut-on faire, autrement, pour donner plus de place aux précaires (titulaires du RSA, chômeurs) au sein des actions citoyennes ?
Pour moi, les précaires font partie de la classe ouvrière. Ce que je revendique, c’est un travail sous statut ou sous convention collective pour toute personne en âge et ayant qualification pour travailler. Je pense qu’il ne doit pas y avoir de représentation particulière des précaires : les précaires ont un métier, une formation, la capacité d’entrer sur le marché du travail. Il y a donc des représentations pour les défendre à ce titre qui sont les syndicats ouvriers et, sur le plan politique, les partis politiques. La représentativité, si cela signifie des quotas, je pense que ce n’est pas souhaitable. Nous défendons l’existence des partis politiques comme concourant de manière fondamentale à la démocratie et garantissant le plus possible l’égalité entre les citoyens. Nous sommes à cent pour cent pour la liberté politique, autant que pour la liberté de la presse, même quand elle nous est défavorable !
Quelles initiatives sont à mettre en place ou à pérenniser en faveur des précaires dans la municipalité? (accès aux crèches, aide au soutien scolaire, etc.)
Cet accès doit être le plus large possible. L’offre de services doit être publique. Par exemple, avec la réforme des rythmes scolaires, on a introduit des activités péri-éducatives payantes, ce qui veut dire une inégalité puisque les gens n’auront pas les mêmes moyens pour accéder aux activités. C’est une ségrégation qui est introduite au niveau de l’école, entre les communes, entre les régions riches ou pauvres, entre les quartiers. Notre position va à l’encontre de cette orientation. Nous sommes pour une éducation nationale, un accès aux activités culturelles et autres garanti par la solidarité nationale, mais surtout pas selon les moyens des collectivités locales.
Que faire pour pérenniser ou augmenter les capacités d’accueil des plus démunis ? Celui-ci doit-il uniquement passer par des associations, et comment les soutenir et s’assurer de leur bon fonctionnement ?
C’est un problème de fond : cet accueil, de manière historique et traditionnel, est de la responsabilité des communes. Si nous sommes élus, nous savons que cela sera un des problèmes à solutionner. Bien sûr, l’État a sa responsabilité. La responsabilité d’abord, dans la constitution française, d’assurer le travail pour tous. Si ce droit là est assuré, le nombre de personnes à accueillir ne doit pas être très important.
Quand on voit que les lits de l’hôpital public de Saint-Egrève sont supprimés progressivement, que les gens qui auraient besoin d’être accueillis sont mis dehors… Ça fait des années que nous luttons contre les suppressions de lit, contre le fait qu’on remette des personnes en difficulté dehors. De mon point de vue, tout cela doit se traiter d’une manière structurelle.
Heureusement que les associations s’occupent de ce problème, autrement ce serait une catastrophe absolue, mais normalement ça ne devrait pas être de la responsabilité d’initiatives privées. Il y a un État, des communes, une organisation de l’État en France depuis deux cents ans, on ne devrait pas arriver à cette situation !
Comment résoudre les problèmes d’accès au logement social (en particulier le temps d’attente) et celui-ci est-il la seule piste pour lutter contre le mal-logement ? Faut-il entrevoir un partenariat public-privé ?
Partenariat public-privé, nous ne sommes pas pour. Le problème est toujours le même : à partir du moment que l’économie n’assure plus de moyens d’existence suffisants pour une partie de la population, un souci se pose, notamment d’accès au logement. Ce qui doit être mis en place, c’est un accès au travail, un retour au code du travail, à la progression dans la carrière. Il faut revenir au fait que l’État a la responsabilité d’organiser l’accès de tous à un logement décent. S’il faut construire, on construit. S’il faut un parc public, pas de problèmes. Mais si le parc privé répond aux besoins, je ne suis pas contre, parce que cela crée de l’emploi.
En réglant les questions, d’un côté de l’excès de revenus pour certains, qui est même plus que de l’excès mais un scandale, et de l’autre côté de la pauvreté de toute la population et particulièrement ouvrière et travailleuse, le problème serait facilement résolu.
Au-delà de la seule question du logement social, le logement sur Grenoble est trop cher, les loyers élevés empêchent les travailleurs les plus modestes à accéder à des logements décents. Que peut faire la mairie ?
La mairie peut s’inscrire dans la contestation. Si un maire de Grenoble se portait en contestation de l’orientation économique de l’État, cela aurait du poids et une autre orientation nationale pourrait être enclenchée. Une élection locale, à Grenoble, a une répercussion nationale et un maire de Grenoble peut peser sur un gouvernement, quel qu’il soit. Il a six ans pour le faire et peut largement utiliser sa position pour faire progresser la population dans ce domaine.
Si vous étiez élu(e), quelles seraient vos priorités en matière sociale ? Pouvez-vous établir un « top 3 » de vos priorités dans ce domaine ?
Première priorité : nous ferions annuler immédiatement, pas l’année prochaine, la réforme des rythmes scolaires par le conseil municipal. Il y aurait à partir de là une discussion avec les personnels embauchés, les groupes culturels et sportifs qui se sont investis et pourraient très bien se reporter sur la poursuite de leurs activités mais en-dehors de l’école. Comme cela se faisait avant, de manière peut-être imparfaite mais que l’on pourrait développer.
Deuxième priorité : la question de la Métro. Cela coûte énormément cher. En 2009, il y a eu augmentation des impôts locaux alors que le maire s’était fait élire en disant qu’il ne les augmenterait pas en 2008, à cause de cette adhésion à la Métro. Nous sommes pour le retour au système des syndicats intercommunaux pour régler les problèmes, par exemple d’enlèvement des ordures ou de transports. On ne va évidemment pas se séparer des villes alentours, mais cela peut se faire par des syndicats intercommunaux, ça existait depuis cent ans !
Troisième priorité : peser contre le pacte de responsabilité de monsieur Hollande. Les trente-cinq milliards d’allègement pour les entreprises. Et la réforme territoriale, c’est à dire un report sur les communes et les départements.
Et puis la quatrième, c’est l’hôpital public. Un soutien à l’hôpital public. La municipalité a été totalement absente sur cette question alors qu’elle préside le comité de surveillance de l’hôpital public de La Tronche. Totalement absente sur la question des urgences, sur la question des suppressions de lits, sur la question de la tarification à l’acte, c’est-à-dire de la paralysie financière de l’hôpital, organisée par madame Bachelot et reprise, continuée et accentuée par madame Touraine. On est au niveau de la catastrophe !
Tout cela étant piloté, insufflé par l’Union Européenne. Nous contestons totalement le projet de l’Union Européenne, qui impose des plans d’austérité à tous les pays et les déstabilise. C’est un projet de ponction financière sur tous les pays, et donc de régression sociale !
J’ajoute que nous ne ferons aucun accord de désistement ou de recomposition de liste avec toute liste ou tout parti qui aura participé ou participera à l’orientation économique actuelle du gouvernement, et même des gouvernement depuis vingt ans. Ce n’est une confrontation avec aucun parti : c’est une confrontation sur le fond, pour aider la population à se mobiliser sur les points qui se posent de manière urgente !