Le mois de décembre est riche en marronniers : Noël, sa bûche, le nouvel an, le Téléthon. Mais le concours des Miss France est sans aucun doute le plus éclatant, le plus fabuleux, le plus légendaire.Inlassablement, depuis la nuit des temps, l’homme a aimé la femme. Surtout, plus que tout, l’homme a aimé la compétition. Le classement. La mise en concurrence. L’adversité.
Quoi de plus naturel alors qu’il ait eu cette idée grandiose et majestueuse d’élire la plus belle femme du monde.
Bien sûr, ce monde peut être relatif. Cela peut être une ville, un pays, un camping, voire un bal de promo. Minuscule ou immense, la reine d’un soir règne sur ce territoire. Et cette fonction n’est en aucun cas futile ou anecdotique. Complètement nécessaire à l’équilibre de la société, le concept de la désignation de la meilleure femelle d’un groupe donné remonte à l’aube de l’humanité. En cette période ancestrale où les réseaux sociaux n’existaient guère, nos aïeux préhistoriques s’ennuyaient ferme. Car oui, c’est bien beau de chasser le mammouth, mais ça ne vous prend pas toute la journée. Pas d’Internet, pas de bar, pas de télé, Cro-Magnon manquait cruellement d’activité. Certes, lui et ses compères appréciaient de temps à autre de se bastonner, exercice ultime de l’affirmation d’une virilité enjouée. Mais, soyons honnêtes, si le combat au corps à corps possède ses propres vertus, il n’en reste pas moins un sport limité. C’est pourquoi nos ancêtres eurent cette brillante idée, dans un souci de combattre l’ennui et dans une volonté d’occuper leurs douces moitiés, de mettre en place un concours où il serait décidé de la plus belle femme du comté.
Bien évidemment, les critères étaient beaucoup moins élevés que maintenant. Les écoles de communication n’existaient pas et il était alors difficile de mesurer les capacités intellectuelles de ces jolies donzelles. De même, le bikini n’avait pas encore été inventé et les peaux de bêtes que portaient toutes ces filles les mettaient peu en valeur. Pourtant, ces hommes des cavernes ne s’en laissaient point compter et la compétition faisait rage entre toutes ces prétendantes. On ne peut ainsi que se féliciter que cet héritage soit parvenu jusqu’à nous. Oui, qu’elles seraient tristes nos vies sans ce défilé incessant de pouliches en maillot de bain, aux sourires figés, aux discours standardisés. Chaque mois de décembre, c’est un véritable bonheur de retrouver sur cette chaîne de télévision, fidèle à son esprit critique et à sa culture de l’intellect, ce concours de Miss France. Symbole d’un pays qui ne s’est jamais aussi bien porté, cette élection brille d’un éclat fabuleux dans la nuit de nos existences. Autrefois, avant le schisme de 2010, l’étincelant Jean-Pierre Foucault et la fraîcheur d’une Geneviève de Fontenay donnaient à cet événement une dimension stratosphérique rarement atteinte au cours de notre histoire. Symbole total de l’épanouissement définitif de notre civilisation, il ne saurait être mis à mal par des diatribes réactionnaires et féministes de mauvais aloi. Et le jour où ce concours s’arrêtera, la terre tremblera.