Chaque année, c’est 1 million de personnes qui bénéficient de cette aide alimentaire en France. 14000 personnes en Isère et plus de 6500 sur Grenoble. Rencontre avec Dominique Hugon, Présidente, Gérard Oddos, Vice Président et Bernard Mortier, Secrétaire du département.
Où en êtes vous depuis la suppression du Fonds De Solidarité Européen ?
« Le FEAD a été remplacé par le PEAD (Programme Européen d’Aide aux plus Démunis) cela représente une somme de 60 millions par an, qui a donc été voté à la même hauteur, soit 3 milliard pour 7 ans, donc 500 millions par ans.
Vue la forte croissance de la pauvreté, il y a fort à parier que cette somme sera insuffisante. Par ailleurs, plus de pays vont demander à en bénéficier par le biais de la communauté européenne, ce fonds ne sera pas plus élevé et devra couvrir plus qu’une aide alimentaire. Bref, nous avons plus de personnes dans le besoin et plus de besoins pour ces personnes. L’ État devrait compenser mais la décision n’a pas encore été prise. A l’heure actuelle, elle a été votée uniquement au parlement et est en attente d’une décision, mais à priori pas d’augmentation pour le PEAD. »
Quelles sont les conséquences pour vous ?
« Pour les Restos du Cœur , il y aura plus de monde à servir, mais pas plus d’argent ! Selon les premiers éléments, une augmentation de la fréquentation des centres de 5% à 10% est prévue. Cette hausse est donc moins importante que l’année dernière, qui était de 15% pour les paniers repas, 18% pour les personnes accueillies et 15% de repas servis en plus durant l’accueil d’été. Vu que les deux dernières années ont connu une forte croissance, on peut espérer une relative stabilisation de cette hausse. Mais ces chiffres statistiques restent encore à vérifier, ils ne sont pas représentatifs, à date égale, le nombre d’inscriptions peut varier !»
Comment allez-vous vous organiser face à ce manque d’argent ?
« Afin, de diversifier les approvisionnements, nous organisons des collectes auprès des professionnels de l’agroalimentaire, pour anticiper le remplacement des aides européennes. 75% des approvisionnements proviennent des produits de négoce par le biais des centrales d’achats.
Malgré tout le budget n’est pas extensible, et même si les dons continuent de croître chaque année cela reste insuffisant par rapport à la forte hausse de fréquentation des centres.
Nous avons donc eu l’idée de remplacer progressivement une partie des approvisionnements par des produits locaux. Ainsi, la Fédération des Chasseurs propose une action, car ils ont l’obligation d’abattre un certain nombre d’animaux chaque année, afin de préserver le cheptel. Cette opération doit être réalisée sous certaines conditions sanitaires afin d’éviter la prolifération de certaines espèces, due notamment à l’absence de prédateurs. Cette mission de prélèvement des animaux est une obligation de l’État, une mission de service public, la première a eu lieu le dimanche 23 novembre. Cette opération concerne uniquement les cervidés, les chevreuils, pas de sangliers afin de respecter les règles d’hygiène. Puis ils seront récupérés par le Syndicat des bouchers pour être débités. La livraison est prévue dès le lundi, au centre Chorrier afin de servir des repas chauds, à base de viande fraîche, cuisinée sur place. »
Pensez vous, que dans le temps, cela permettra de nourrir plus de personnes ?
« Bien sûr, cette première opération est à l’essai, mais si les résultats sont concluants, nous prévoyons une augmentation de cette démarche pour l’année prochaine. Mais cela reste complexe à mettre en œuvre, car nous sommes contraints à de nombreuses règles d’hygiène, de transport et d’organisation.
Nous aurions besoin de matériel spécifique et de camions frigorifiques adaptés.
La viande fraîche reste un produit très difficile à obtenir de par son coût élevé. La grande distribution tente au maximum de limiter sa perte, et ne revend ses produits que juste avant la date limite. Par les produits de négoce des centrales d’achats, nous ne pouvons obtenir que des produits surgelés : steaks hachées, cuisse de poulet, mais pas de viande fraîche, d’où cette opération. La plupart de ces gibiers abattus n’étaient pas utilisés. Grâce a cette opération cette viande sera désormais utilisée et permettra de nourrir une centaine de personnes en viande fraîche, une denrée rare et chère ».
Avez-vous d’autres projets en cours ?
« Actuellement, l’association travaille sur un nouveau projet de loi. La « loi Coluche » a permis aux acteurs de l’agroalimentaire d’obtenir une réduction fiscale lorsque ceux-ci donnent leurs marchandises. Notre but, serait d’étendre cette loi, afin que les agriculteurs puissent bénéficier des mêmes avantages. Mais nous rencontrons plusieurs difficultés pour convaincre les politiques, car la grande distribution peut quantifier et chiffrer sa perte, mais pour les agriculteurs, il est plus compliqué de faire une estimation chiffrée et de quantifier la marchandise, c’est un problème de valorisation de leurs produits. Le but serait de faciliter les démarches des agriculteurs pour qu’ils puissent, eux aussi, bénéficier de cette défiscalisation. »
Que proposeriez-vous afin de limiter le gaspillage ?
« Pour limiter le gaspillage il est vrai qu’il reste encore beaucoup a faire ! Mais il existe de nombreux enjeux économiques. Augmenter les délais de péremption des produits, par exemple. Il est étonnant de voir que les dates limites fixées par les fabricants, varient selon leurs lieux de fabrication par exemple, ou peut être aussi revoir leur conditionnement. Les personnes seules ne souhaitent pas forcement acheter de grosses quantités, cependant cela revient plus cher d’acheter en petite quantité, bref, il reste encore beaucoup à faire».
Quelles démarches faut-il entreprendre pour bénéficier de l’aide alimentaire ?
« Rappelons que pour bénéficier des paniers repas aux Restos du Cœur, il faut s’inscrire dans l’un des centres, et présenter des justificatifs, de ressources notamment, et pouvoir justifier de son statut, selon si l’on est demandeur d’emploi, allocataire du RSA, famille monoparentale… Chaque centre est indépendant et peut demander plus ou moins de justificatifs. Pour un repas chaud servis au centre, nous ne demandons pas de justificatif. »
Que faut-il faire pour devenir bénévole ?
« Pour devenir bénévole, il faut le vouloir, bien sûr ! Mais surtout il faut avoir une disponibilité régulière de 4 à 5h, soit une demi journée par semaine. Il est très important que cette présence soit régulière, d’une part pour le travail et l’esprit d’équipe et d’autre part, les bénéficiaires ont besoin de créer un contact. Ils aiment bien avoir face à eux la même personne. Lorsque l’on devient bénévole on signe un engagement. Après une période d’essai, la personne choisit de signer, ou non, un contrat d’engagement. On dénombre 65000 bénévoles au niveau national pour plus de 2000 centres. En Isère, ce sont environ 950 bénévoles qui travaillent avec nous. Mais nous aurions besoin d’une quarantaine de personnes en plus ».
Qu’est ce que l’inter-campagne ?
« Les centres sont ouverts toute l’année. C’est durant la période hivernale, d’une durée d’environ quatre mois, que nous accueillons le plus de monde. Durant les huit mois restant, nous ne pouvons recevoir que 50% des personnes accueillies l’hiver, faute de budget. Nous ne recevons plus que les personnes en situation de très grande précarité. Mais outre l’aide alimentaire, nous organisons aussi toute l’année des ateliers d’accompagnement. Nous tentons de développer les ateliers pour la lutte contre l’illettrisme, mais nous avons besoin de locaux pour cela. Cette aide peut être aussi une aide budgétaire avec des micro-crédits. Ou du personnel mis à disposition pour aider à la recherche d’un emploi. Mais encore nous organisons des ateliers de coiffure ou d’esthétique, ce sera bien sûr le strict minimum, mais pour les personnes, il est important qu’elles puissent reprendre un peu confiance en elles, pour se présenter à un entretien, par exemple. »