Hubert Mingarelli propose avec L’Homme qui avait soif (Stock) une œuvre pleine de poésie et de profondeur, sans jamais tomber dans la facilité du minimalisme de façade ou du lyrisme vulgaire.
La soif de perdre
L’histoire d’un homme qui laisse son train repartir sans lui, malgré lui. Tiraillé par une soif constante, qui le torture et se rappelle à lui sans discontinuer. Tiraillé également par une promesse d’avenir dans la figure d’une fiancée qui l’attend quelque part, et un passé de soldat qui hante sa mémoire. Autant de fantômes qui peuple Hisao, déambulant à pied sur les routes du Japon d’après-guerre.
Et des fantômes, il s’en trouve beaucoup dans ce roman étrange et poétique. Les rencontres d’Hisao sont autant d’ombres de destins croisées au hasard d’un chemin, parfois violentes, parfois bienveillantes, quelquefois les deux à la fois. Quant aux soldats américains qui occupent ce Japon vaincu, des Blancs qui se ressemblent tous aux yeux d’Hisao, ils sont autant d’images fugaces et fatiguées.
Pas question ici de couleur locale, le Japon est un décor sinon un prétexte pour raconter un homme qui porte dans son ventre un passé qu’il éprouve le besoin d’abreuver à jamais tout en marchant avec appréhension et désir vers un avenir dont le lecteur ne saura jamais s’il existe vraiment ailleurs que dans son esprit. Le passé, le présent et l’espoir s’entremêlent ainsi dans ce qui s’apparente à un rêve éveillé, à un cheminement somnolent.
Mingarelli ne signe pas un roman initiatique pas plus qu’un précis de remords militaires, mais une œuvre atypique au style précis et subtil, au sein de laquelle chaque mot fait mouche. Ni road-movie au pays des Samouraïs, ni récit de batailles grandiloquentes, juste une aventure humaine qui ressemble à la vie. Un texte d’une grande beauté, d’une simplicité trompeuse et pleine de sens, qu’il serait perdu de ne pas lire.
L’Homme qui avait soif
Hubert Mingarelli
Éditions Stock
162 pages, 16 €