Le projet a resurgi après la défaite éléctorale : le gouvernement voudrais envoyer un signe fort dans le domaine de l’action sociale, et relance l’idée d’une fusion PPE/RSA-activité, qui fait son chemin depuis juillet 2013. De quoi s’agit il exactement ?
Deux dispositifs parallèles
Pour bien comprendre le problème il faut resituer respectivement RSA-activité et Prime pour l’emploi (PPE). Le RSA-activité est un complément de ressources qui vient s’ajouter au salaire de quelqu’un qui revient à l’emploi. Il a essentiellement pour sens de rendre plus attractive financièrement une activité salariée vis à vis des allocations que peuvent percevoir ceux qui sont sans aucune activité. La PPE, elle, est de même nature, puisqu’elle peut être définie comme un complément de revenu qui vient s’ajouter aux bas salaires. L’ambition de départ de la Prime pour l’emploi (mise en place sous le gouvernement Jospin en 2001, et donc antérieure au RSA qui date de 2007) était de creuser l’écart entre allocations et emploi, pour favoriser, comme son nom l’indique, le retour à l’emploi.
Simplement les deux dispositifs, RSA et PPE, s’ils sont parallèles, ne fonctionnent pas de la même manière. Le RSA activité est calculé en fonction des revenus et s’ajoute à un bas salaire, tandis que la PPE a essentiellement la forme d’un impôt négatif. Le mode de calcul n’est donc pas le même : le RSA se calcule sur les revenus net, tandis que la PPE se calcule sur la base des chiffres d’impositions. Le RSA est touché par versement direct de la CAF, la PPE, elle, a la forme d’une non-imposition sur le revenu, soit partielle, soit totale. Et alors que le système RSA (c’est à dire « socle » et « activité ») peut concerner ceux qui n’ont rien, la PPE elle ne peut être touchée que par un salarié exclusivement. Par ailleurs, alors que le RSA-activité est calculé sur un minimum perçu (en regard duquel on l’adapte au seuil de pauvreté), la PPE elle est indexée sur un revenu maximum, en dessous duquel on a droit à cette allocation (environ 16 250 euros par an pour un célibataire, le double pour un couple, avec un grand nombre de variante selon les cas).
L’idée d’une prime d’activité
Lorsque la PPE a été mise en place en 2001 par Martine Aubry, alors ministre de l’emploi, elle venait en complément du RMI de l’époque, depuis devenu RSA. Et donc si la PPE avait toute sa pertinence à ce moment là, elle semble faire aujourd’hui double emploi avec le RSA-activité. C’est cette problématique qui a fait l’objet d’une étude, sur les aides aux travailleurs pauvres, du député socialiste Christophe Sirugue, remise à l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault le 15 juillet 2013. Le rapport, intitulé « La réforme des dispositifs de soutien aux revenus modestes », préconise un remplacement, ou une fusion, des deux dispositifs, en un seul, et suggère par là la création d’une « prime d’activité ».
La création de cette prime est motivée par l’échec relatif des deux aides existantes (RSA et PPE). Dans son étude, le député de Saône-et-Loire juge que le double dispositif en place est « peu efficace » et « coûteux ». Celui-ci coûte 4 milliards d’euros annuels à l’Etat, mais ne parvient pas à remplir sa mission. Le RSA-activité est frappé par le fléau du non-recours, tandis que le dispositif PPE souffre d’un « saupoudrage de la dépense publique et d’un ciblage insuffisant des publics bénéficiaires. ». En clair, ceux qui ont besoin du RSA-activité ne le touchent pas pour un grand nombre d’entre eux, tandis que le fonctionnement de l’application de la PPE est inadapté et ne permet pas d’aider de manière optimale ceux qui en aurait le plus besoin, tout en coûtant des milliards à l’Etat. D’où l’idée de la « prime d’activité ». Celle-ci aurait la forme d’une aide très simple à obtenir, pour des bénéficiaires mieux ciblés et mieux aidés, et qui en outre comblerait certaines lacunes du système actuel : le montant du RSA ne serait plus déduit négativement du montant de la PPE, on pourrait en bénéficier dès l’âge de 18 ans (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui) et on pourrait aussi, à cette occasion, réévaluer le montant actuel de la PPE, gelé depuis 2008.
La prime serait calculée sur la base de l’ensemble des ressources du demandeur, qui devraient être inférieures au SMIC. Elle serait versée par la CAF sur la base des déclarations trimestrielles. Selon des simulations, une personne gagnant 70 % du smic, pourrait toucher jusqu’à 215 euros par mois. La prime, en outre, pourrait être accompagnée par un « complément enfant », selon les cas. Le député auteur de l’idée proposait la mise en place du dispositif pour septembre 2014, mais on indiquait du coté du gouvernement que le délai semblait vraiment trop court.
Une idée diversement appréciée
Pour les syndicats la mise en place de la prime d’activité aurait déjà dû se faire bien plus tôt. François Cherèque, entre autre, aujourd’hui membre de l’Inspection générale de l’action sociale (IGAS), regrette que le projet de fusion RSA/PPE ne se soit pas concrétisé dès 2013, même si il se satisfait du regain d’intérêt du gouvernement pour la mise en place de la nouvelle « prime d’activité ». « Le premier ministre nous dit que cette fusion RSA/PPE se fera dans le cadre de la réforme de la fiscalité », rapporte t-il. Du coté du gouvernement, Bernard Cazeneuve, ancien ministre délégué au budget, déclarait : « Ce qu’il faut c’est que les deux dispositifs soient mieux articulés, qu’ils soient plus juste et qu’ils bénéficient davantage à ceux qui en ont besoin. ».
Toute la question aujourd ‘hui est de savoir si le renouvellement du gouvernement changera les choses relativement à la mise en place de la « prime d’activité », si il est vrai que la promesse faîte par Jean-Marc. Ayrault le 23 janvier de fusionner RSA et PPE pourrait peut-être s’envoler avec lui. Mais on peut aussi supposer que si il est vrai que le plan pluriannuel contre la pauvreté perdure, la création de la prime d’activité pourrait quand même aboutir. Le député socialiste Dominique Lefebvre estimait fin janvier que la fusion pourrait contribuer, en partie, au « geste fiscal » envisagé par François Hollande pour répondre au mécontentement. Cependant ce serait un geste à retardement, puisque la mesure, si elle est décidé, n’entrerait en vigueur qu’en 2015.
Pourtant tout le monde n’accueille pas l’idée de la fusion RSA/PPE avec le même enthousiasme. Guillaume Allègre (de l’observatoire français des conjonctures économiques, OFCE), par exemple, sur le site de Sciences-Po.fr, remarque : « Une fusion ferait nécessairement des perdants pour un avantage très incertain, la prime d’activité proposée dans le rapport Sirugue ne répondant pas aux principales critiques adressées au RSA-activité et à la PPE. Une autre stratégie est possible. Concernant la PPE, elle consiste à supprimer cet instrument, à augmenter le SMIC d’autant et à réduire les cotisations patronales de façon à ne pas augmenter le coût du travail. Le bénéfice serait alors directement sous forme de salaire et non sous forme de crédit d’impôt comme aujourd’hui. ».
C’est dire que si l’objectif est d’aider les plus pauvres, encore faut-il vraiment penser le moyen d’y parvenir. Espérons que le nouveau gouvernement saura mettre en place un groupe de travail capable d’atteindre cet objectif.