À 38 ans, Marc Bourguin a aussi bien endossé le costume de jeune cadre dynamique que celui d’expatrié humanitaire en zone de conflit. Des expériences qui l’ont mené à choisir l’économie sociale.
Fringant trentenaire, Marc Bourguin est chargé de mission à TI38, l’association qui fédère les structures d’insertion par l’activité économique de l’Isère. Une vocation construite peu à peu sur des valeurs qui n’ont pas cessé de s’affirmer.
Le goût du voyage
Né à Paris, Marc est un gamin qui préfère la nature à l’école. Dans les traces de son père, il va pourtant intégrer une école d’ingénieurs. Imprégné de scoutisme, à 19 ans, il descend seul au Sénégal en stop. De ce périple, il se souvient de l’ouverture des gens et du « plaisir à se mettre dans des galères, le stop à 11h du soir sur une route perdue ou ces 20 heures à l’arrière d’un pick-up dans le désert. ». En Afrique, il prend conscience de son statut de « privilégié » et perçoit les limites de l’aide au développement : « Tu construis une école, mais l’état n’a pas les moyens pour payer un instit’ ».
L’humanitaire d’urgence
Fraîchement diplômé, il part, pour huit mois, encadrer des chantiers de réhabilitation d’hôpitaux avec l’ONG « Premières urgences » en Irak, alors que la guerre vient de se terminer. À 24 ans, il est responsable d’une équipe d’une dizaine d’ingénieurs locaux, entre 30 et 50 ans, et doit éviter d’éventuelles corruptions. Un rôle assumé par le jeune homme qui va subir un contexte sécuritaire de plus en plus oppressant. Là encore, il voit les limites de l’aide d’urgence : « Les hôpitaux n’avaient pas été entretenus pendant dix ans à cause de l’embargo. Tout était à refaire : c’était de l’urgence sanitaire, mais les financeurs s’étaient engagés sur de l’urgence post-conflit. On réhabilitait des bouts alors qu’il aurait fallu tout désosser ».
Retour dans le privé
De retour en France, il reprend une voie classique en devenant consultant à la Défense pour EDF entreprise alors que le marché s’ouvre à la concurrence. En charge de l’utilisation d’un logiciel de gestion relation client, il constate la difficulté des agents du service public à faire du commercial et commence à réfléchir aux limites du mode capitaliste. En 2009, il rejoint Grenoble pour ses montagnes, et intègre Euromaster. Il doit notamment faire communiquer les techniciens avec les utilisateurs. Si cette mission de facilitateur d’échanges lui plait, il quitte pourtant la société au bout de cinq ans, échaudé par les logiques court-termistes de la nouvelle direction.
Il repart alors en Inde. Un voyage qui provoque une profonde remise en question : « Nous cherchons à appliquer au monde entier nos modèles de fraternité, qui ne sont pas universels. La société indienne est foncièrement inégalitaire avec les castes, mais elle fonctionne comme cela. Ne ferait-on pas mieux de laisser les gens s’organiser entre eux plutôt que faire de l’ingérence ? »
L’alternative au mode capitaliste
À son retour, il prend un virage dans sa vie professionnelle, alimenté par le refus de participer à une société déshumanisée pressurant les gens dans leur travail, et le désir d’essayer de combler les inégalités, mais cette fois, en France. Il passe alors un master développement et expertise de l’économie sociale et intègre TI38 : « Ce qui m’intéresse dans l’IAE, c’est cette recherche constante d’équilibre entre l’objet social et la nécessité d’un équilibre financier. J’organise aussi le plan de formation mutualisé pour les salariés en insertion. Je contribue à accompagner les gens pour trouver leur juste place dans la société. »
Trouver sa juste place… Marc Bourguin semble avoir trouvé la sienne. Celle d’un homme convaincu de l’importance de la paix et de la stabilité, plus réformiste que révolutionnaire, qui a décidé de se retrousser les manches pour faire évoluer les choses de l’intérieur. Un utopiste pragmatique qui rêverait que chacun puisse choisir son activité indépendamment de contraintes financières tout en se demandant « Comment mettre en place le processus ? ».