Mélopé est un artiste poète slameur rappeur français d’Outre-mer. Aujourd’hui en Isère, ses vers oscillent entre deux terres, de l’histoire de son pays natal à celle qu’il se construit ici.
Yeux pétillants et sourire aux lèvres, voix posée sur une pensée claire, Mélopé parle avec simplicité de son histoire, la sienne et celle de ses ancêtres : un patrimoine qu’il a découvert en parallèle de la poésie qui allait devenir l’outil ciselé de son expression.
L’enfance en Martinique
Tout commence au Morne Capot, un quartier de la commune du Lorrain en Martinique : d’un côté, la Montagne Pelée, de l’autre l’Océan Atlantique. Mélopé grandit dans l’insouciance de la vie au grand air : « Avec les autres gamins du quartier, on jouait au foot, on allait à la mer, on cueillait les mangues, on chassait à l’arbalète, on pêchait à la rivière… ».
Sa mère est femme au foyer mais aussi couturière, son père est agriculteur et paysagiste. Il travaille dans une plantation de bananes sur une parcelle qui appartient aux békés (blancs) – comme 70 % des terres de l’île qui sont restées l’héritage des anciens colons. Si le passé colonial est un thème récurrent des textes de Mélopé, son île est pour lui un exemple d’harmonie entre les peuples : « Il y a une concentration de cultures et de religions : les Européens héritiers de l’histoire de l’esclavage, les noirs d’origine africaine, les Indiens d’Inde venus remplacer les noirs après l’abolition de l’esclavage, les Asiatiques et les Syriens ayant fui la guerre : les gens ici sont métissés, il y a peu de communautés qui ne se mélangent pas. »
Raconter ses racines
C’est sur cette terre d’accueil que Mélopé grandit, entouré d’oncles artistes : l’un chanteur et guitariste, l’autre joueur de tambour et le dernier comédien, conteur et marionnettiste. Un environnement propice à la création pour l’adolescent qui commence à écrire des vers « vite fait pour les copines ». Au collège, il apprend à connaître les poètes de l’Hexagone (Verlaine, Breton, Prévert, Mallarmé ou Hugo…) puis son cousin lui fait découvrir les intellectuels et poètes martiniquais (Aimé Césaire, Ernest Pépin, Édouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Frantz Fanon, Raphaël Confiant…). Il s’initie à la poésie en même temps qu’il s’intéresse à l’histoire de ses origines, une curiosité qui reste encore aujourd’hui l’inspiratrice de ses textes : « Mon style d’écriture passe beaucoup par la recherche. Je m’intéresse à quelqu’un ou à une période de l’histoire et je farfouille à la bibliothèque, je m’informe, puis je relâche à travers ma poésie ce que je ressens de ce que j’ai appris. »
Le départ pour l’Hexagone
En parallèle de sa passion, il poursuit ses études. Malgré un bon niveau scolaire, il est orienté en lycée professionnel. À l’époque, il y a peu de travail sur l’île et les jeunes sont majoritairement dirigés vers des métiers manuels et faciles d’accès. Après un CAP et BEP en électricité, il prépare un bac pro électrotechnique puis fait une demande de BTS en métropole : « J’ai voulu quitter l’île car je voulais progresser professionnellement et artistiquement. »
À 25 ans, il quitte donc la Martinique avec la perspective d’intégrer la filière technique. Sur place, il cherche une entreprise qui l’accueille en stage. Sans succès. Il abandonne alors la formation et s’inscrit en intérim. Il se met à travailler pour des grandes entreprises avec des contrats d’intérimaire. Aujourd’hui encore, il fonctionne avec ce statut, qui finalement lui convient bien : « Avec 10 ans d’expérience, je trouve facilement du boulot, et je peux aussi dégager du temps pour repartir en Martinique et pour les projets artistiques. Je ne me suis jamais dit que je devais vivre de ma passion : je le fais pour mon plaisir et pour le partage avec les autres. »
Méli-mélo d’oralité
Si l’écriture est un guide, c’est le partage et la culture d’oralité qui animent l’artiste – tantôt slameur tantôt rappeur : « La poésie, c’est sonore à la base. Je n’ai pas envie de la chuchoter, je veux la dire au monde » dit-il en souriant. Dès son arrivée à Grenoble, il se rapproche des scènes slam et poésie locales. De là vont émerger des projets aux multiples couleurs. Parmi les plus récents, la sortie en 2015 de l’album « Vestige d’un passé », une performance musicale avec le Beatmaker Buckin’s beat : une invitation au voyage, mais aussi au devoir de mémoire. Actuellement, Mélopé travaille avec Murielle Brieu autour d’un duo poétique « Tand’M en Anamnèse » où voix féminine et masculine se répondent, accompagnées par un guitariste et un percussionniste. Il est aussi en phase de création d’un projet mêlant jazz et hip-hop, et d’un deuxième album « À mi-chemin ».
Mélanger les genres et les gens, une marque de fabrique de cet artiste au cœur résolument métisse qui vous entraîne dans le sillage de Zétwal, l’homme qui voulait être le premier Martiniquais à marcher sur la lune, dans une fusée propulsée par les vers d’Aimé Césaire.
le 14 mars 2017 : Showcase de Mélopé au Mardi de la poésie organisé par la Maison de la poésie Rhône-Alpes à partir de 19h à la salle René Proby à Saint Martind’Hères
le 21 mars 2017 : Tand’M en Anamnèse à partir de 19h à l’espace 600 à l’occasion du Printemps des poètes 2017 à Grenoble
