Apprend-on à écrire ? Dans le cas de la poésie, c’est un peu comme si on se demandait si on apprend à vivre, sentir, percevoir. Et la question paraîtrait du coup tout à fait incongrue.
Michel Caléro est la preuve de la particularité de cette discipline où les règles d’écriture se construisent chaque jour et obéissent à une grammaire du ressenti. Pas d’études universitaires ou de formation pour mener à bien une production reconnue par ses pairs, ce qui l’a amené à être édité. Au départ, un goût de l’écriture découvert à seize ans, puis un parcours professionnel chaotique parfois, des hésitations : un ensemble qui a nourri sa vocation de poète qu’il ne pose plus en question depuis longtemps, mais qui constitue sa colonne vertébrale.
Erreur de parcours
Il aurait dû être ouvrier forestier : une formation non diplômante avait été effectuée dans ce but. Mais cette orientation ne se concrétisera finalement pas par un emploi : « Je n’ai jamais travaillé dans mon domaine. » souffle Michel Caléro, mettant en évidence que sa détermination est suffisante pour mettre à mal les chemins tracés auxquels on devrait se soumettre. La voix est posée, les propos sont mesurés : timidité apparente qui cache une volonté inaltérée, presque une forme d’insoumission.
Écrire, plus que tout
« J’étais en contrat CES à Grenoble Solidarité et cela faisait quelques temps que je voulais venir au Bon Plan. À cause de l’écriture. » L’opportunité se présente et il ne la manque pas. « Pour la première fois, je faisais quelque chose qui m’intéressait. Auparavant, j’avais travaillé à gauche à droite sur des boulots qui ne me disaient rien. » De ces douze mois passés dans notre chantier d’insertion, il retient les enquêtes effectuées, les interviews et l’influence que l’écriture journalistique a eu sur son style. Ici aussi, son expérience est venue enrichir ses intentions poétiques. « Depuis l’école, je n’avais jamais eu un travail axé sur l’écrit… ». Seule absente de cette activité : la nature qu’il aime contempler et qu’il souhaite côtoyer au quotidien, en contemplatif forcené.
Question de style
Depuis son départ du Bon Plan, en 2006, Michel a trouvé un emploi en CDI dans une société de nettoyage œuvrant pour Caterpillar. Ça, c’est pour payer le loyer, se nourrir… être indépendant financièrement. Car l’essentiel est ailleurs : son emploi du temps lui permet d’écrire et de travailler son discours poétique avec un appétit jamais rassasié pour finalement être édité presque malgré lui « C’est un ami qui m’a poussé à envoyer mes textes à un éditeur parisien ». Ce n’est pas de son emploi qu’il parle, c’est de son « vrai » travail : ses poèmes qu’il peaufine au quotidien, son style qu’il perfectionne et se plaît à définir : « Je suis plus descriptif qu’analytique. Je joue de la fracture, de la cassure. J’aime les images assez rapides. » Et d’ajouter presque fataliste : « La poésie m’a plus choisi que moi je ne l’ai choisie. » À l’image de ses modèles (René Char, Blaise Cendras, Lautréamont, Rimbaud, Bernard Noël), il s’est engagé de tout son être dans cet art si peu reconnu. Jusqu’à faire du verbe écrire le synonyme de vivre.