Rencontre avec Jacques Wiart, adjoint aux déplacements et à la logistique urbaine, pour parler de la vision et des projets de la nouvelle municipalité grenobloise en terme de transports.
Pouvez-vous nous parler du concept de « déplacement doux » ?
Cela concerne le vélo et la marche à pied. La première chose la plus simple et la plus naturelle étant la marche à pied. C’est pouquoi nous souhaitons jouer la proximité entre lieux de vie, lieux de travail et d’éducation, pour que les quartiers soient moins mono-fonctionnels et que l’on puisse avoir une diversité d’activités sur place.
Par rapport à cette idée-là, il est crucial de reconsidérer les politiques d’aménagement et d’urbanisme. J’ai l’exemple de Comboire en tête, qui a été aménagé pour être un espace de commerce avant tout, où l’on va en voiture principalement. Pour retrouver ce mode premier de déplacement naturel et non-polluant qu’est la marche à pied, il faut conserver des activités économiques et des lieux de loisir ou de culture à proximité des lieux d’habitation.
Le deuxième mode, doux ou actif, c’est donc le vélo. Il s’inscrit dans cette même idée de déplacement de proximité, tout en permettant d’aller plus loin. On peut multiplier par deux ou trois la distance que l’on peut faire à pied, ce qui étend les possibilités d’aller vers ces fameuses zones, ou d’aller voir des amis ou de famille. Voici donc les deux modes de déplacement doux, qui nous semblent devoir être prioritaires dans la ville et les aménagements durables d’aujourd’hui et de demain.
Est-ce à dire que moins de rues seront ouvertes à la circulation automobile qu’aujourd’hui ?
Dans l’esprit c’est ça. Notre idée c’est de rendre la marche à pied plus facile qu’elle ne l’est. Il faut que l’on partage la voirie entre les différents modes de déplacement et donc, sans doute, réduire la place de la chaussée.
Ne craignez-vous pas des risques de congestion ?
On constate parfois que plus on fait de la place en ville pour la voiture, plus cela appelle la voiture. L’expérience montre qu’il vaut mieux réduire le calibre de la chaussée, pour que les déplacements en voiture ne soient pas nécessairement commodes et d’autant plus favoriser les autres modes de déplacement.
Il faut avoir une ligne de stratégie générale, et l’appliquer intelligemment selon les secteurs de la ville. Quand on déclinera la stratégie en aménagement par secteur, il faudra savoir faire preuve de pragmatisme, en concertation avec les habitants et les unions de quartier, tout en réfléchissant bien aux aménagements menant à une vie de quartier agréable.
Dans une ville historique, il faut aussi savoir gérer la cohérence des aménagements : nous allons nous attacher avec les services techniques, avec les habitants, les unions de quartier ou l’ADTC, à avoir une bonne intelligence sur le partage de la voirie et une bonne lisibilité de la place de chacun.
Il y a là un vrai problème à traiter devant nous !
Êtes-vous satisfaits des travaux d’aménagement réalisés par la municipalité précédente, notamment sur les quais ou pour la voie du tram E ?
Moyennement satisfait. Si la carte était blanche pour nous aujourd’hui, je pense que nous aurions pris le parti d’aménagements cyclables plus francs. On va essayer de faire les meilleures finitions possibles tout en ayant souci de ne pas faire de nouvelles dépenses et en restant accommodants par rapport à ce qui existe déjà.
Justement, quelle sera l’ampleur des aménagements ?
Nous travaillons actuellement sur la meilleure façon de voir les choses, et l’on raisonne en lien très étroit avec la Métro. Mais il y a déjà notre engagement d’avoir de grands boulevards cyclables, de grands axes traversants et structurants, et il faudra prévoir des aménagements conséquents. On va également traiter des « bâtons noirs » : les discontinuités cyclables ou les aménagements qui n’en sont pas, comme le boulevard Gambetta qui se fait difficilement à vélo. On va essayer d’y travailler, dans la concertation, pour trouver une place sécurisée pour le vélo, une place pour la voiture naturellement, et une place transports en commun. Bref, une grande logique de gestion des priorités d’un espace voirie qui est limité.
Il faut être visionnaire, faire les bonnes analyses globales aux grandes échelles, l’échelle du SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale, NDLR), l’échelle de la Métro et l’échelle de la commune, et ne pas être dogmatique : transports en commun, minibus, transports à la demande, taxis partagés… C’est là qu’il y a de belles cartes à jouer.
Qu’en est-il de la promesse de campagne sur la gratuité des transports en commun pour les 18-25 ans ?
C’est un engagement de notre équipe, et nous allons y travailler très activement via nos représentants à la Métro. Il faudra convaincre les autres forces élues de la Métro d’aller dans cette direction-là. Ça nous semble très important : on veut donner le signal aux jeunes que ces modes de déplacement sont les modes à avoir en tête pour demain.
Il existe des tarifs sociaux très bas pour les précaires. Pourquoi choisir la gratuité pour les jeunes plutôt que cette formule, et pourquoi ne pas faire bénéficier les précaires de cette même gratuité ?
On a beaucoup évoqué ces points-là dans les débats durant la campagne. Le signal est avant tout un signal de société. Nous voulons que cela soit audible et visible en terme de communication auprès de la société grenobloise, des jeunes générations qui sont très sensibles aux messages de développement durable. D’ailleurs, j’observe que de plus en plus de jeunes adultes n’ont pas nécessairement le permis de conduire et pour eux la voiture n’est plus forcément un moyen de passer à l’âge adulte. La gratuité des transports, c’est vraiment une question de message et de symbole.
Mais nous avons également des signaux qui nous arrivent d’un certain nombre de représentants du monde social, par rapport aux publics en difficultés. Le fait même d’avoir accès aux tarifs sociaux peut être dur pour eux en terme de démarche, sinon de coût. Idem pour les parents d’élèves. C’est tout le problème de trouver le bon curseur !
Quels seront les choix clairement écologiques et écologistes de la nouvelle municipalité ?
Le recalibrage de la chaussée que j’ai déjà évoqué, d’une part, pour permettre aux autres modes de déplacement que la voiture de s’exprimer en toute aisance, tout plaisir et toute sécurité. Veiller d’autre part à l’efficacité des transports en commun : on va chercher à faciliter la place de ces véhicules et leur aisance de circulation. Mais surtout, fortement développer la place du vélo en ville. Nous avons six ans pour réussir à donner une place beaucoup plus forte du vélo en ville. Et c’est le pourcentage de déplacements en voiture qui doit baisser. Cela veut dire pollution en moins, et notamment pollution sonore.
C’est une question importante. Quand j’argumente les fondements de notre politique à Grenoble, je mets en avant bien sûr le fait de rendre la ville plus fluide, notamment par rapport aux activités économiques, plus agréable pour se déplacer, moins polluées mais aussi moins bruyante. Les données de 2011 disent qu’un habitant sur deux dans l’agglomération est exposé à un excès de bruit. La nuisance est trop forte et ce n’est pas normal ! C’est pourquoi réduire la place de la circulation motorisée sera un très grand bénéfice.
Espérez-vous donner l’exemple, en tant que première grande municipalité écologiste ?
Ce n’est pas notre but en tant que tel. Nous voulons réussir à rendre cette ville autrement en terme de déplacements. Si on réussit à faire cela, à rendre une ville beaucoup plus agréable et que cela donne des idées à d’autres, tant mieux, mais ce n’est pas notre but premier. Et nous allons plutôt, dans un premier temps et très modestement, aller chercher les bons exemples ailleurs !