Penone : l’arbre et la matière

Des œuvres récentes voire inédites et d’autres plus anciennes : l’exposition Penone au musée de Grenoble ne se veut ni thématique, ni chronologique, mais en quête de sens.

L’arbre qui cache la forêt

2014, l’année de tous les arbres ? Tandis que la municipalité annonce une cinquantaine de jeunes pousses en remplacement des « sucettes » publicitaires JC Decaux, le musée de Grenoble reçoit l’oeuvre de Giuseppe Penone, où le végétal occupe une place prépondérante, pour ne pas dire obsessionnelle.

Mais on aurait tort de voir chez le sculpteur italien mondialement renommé d’outrancières velléités écologistes. Non, Giuseppe Penone n’est pas un zadiste, il est un artiste. Et quand bien même ses réalisations appellent à la sensibilité des surfaces, à la sensualité même des corps végétaux, elle est aussi et surtout une recherche de sens.

« La sculpture garde cette possibilité d’être un objet d’analyse du réel » nous dit Penone, coupant court à toutes spéculations environnementalistes. Est-ce à dire que les amoureux de la nature doivent fuir l’exposition ? Au contraire : ils trouveront dans chaque salle une réflexion sur la tension entre nature et culture bien éloignée des poncifs et des clichés que nous assènent trop souvent quelques faiseurs d’opinion paresseux.

Et parce que le sens n’exclut pas l’esthétique, Penone considère même qu’il tend à la créer, le visiteur ne manquera pas de trouver beaucoup de beauté aux créations exposées : dessins préparatoires comme sculptures finales sont autant d’objets étranges où les matières s’entre-tissent et se répondent. Avec ses branches d’arbres recouvertes de cire ou ou son marbre de Carrare figurant une forêt inachevée, Penone offre des univers qui interrogent forcément.

20141208 penone4

Feu de tout bois

Pour accueillir certaines œuvres aux proportions remarquables, le musée a considérablement aménagé son espace, comme jamais auparavant pour une autre exposition 20141208 penone2temporaire. Le mur de feuilles de thé, qui marque nécessairement les esprits par sa taille, impressionnera autant que Sigillo, bassin de marbre tout droit venu des jardins de Versailles, où l’empreinte donne vie à la pierre figée.

Difficile de résumer en quelques mots cette promenade au sein des « frontières invisibles » que nous propose Penone, où l’arbre reprend ses droits sur la poutre, où la forme et le sens se lient dans une logique commune. Au-delà de l’importance de cette exposition, qui confirme la place privilégiée du musée de Grenoble au sein du paysage culturel européen, il faut prendre le temps de découvrir un imaginaire profondément singulier, qui ne cesse de poser une question sans réponse.

Et surtout, ne pas craindre d’être confronté à une œuvre trop « intellectualisante », où le concept prendrait le pas sur la création elle-même. « Le concept est dogmatique », nous dit l’artiste, et Penone n’est pas du bois dont on fait les dogmes.