Pierre Roy, l’électron-caméléon

Pierre Roy, actuel directeur de l’association Solexine, est un électron libre doublé d’un caméléon qui a su s’adapter à de nombreux métiers en gardant, à 46 ans, la flamme de l’éducation populaire…

Allure décontractée, lunettes fines et yeux rieurs, voix posée qui peut être facilement facétieuse… Pierre Roy vous accueille avec un café et une grande disponibilité. Un dragon survole la salle au plafond haut, sur les murs des peintures et des sculptures disséminées çà et là.


L’intérêt pour l’audiovisuel

C’est dans cette pièce lumineuse au décor imaginaire que Pierre Roy nous raconte son itinéraire : à 8 ans, il voulait être cuisinier, à 12 ans journaliste, et à 15 ans menuisier ébéniste… Et puis après, il ne savait plus. Un bac littéraire en poche, il prépare sans conviction et sans succès le concours d’éducateur spécialisé puis découvre et apprend les techniques audiovisuelles (montage diapos et son, techniques de lecture d’images), notamment comme objecteur de conscience à l’Institut du travail social à Lyon.

Avec ses 3 ans d’expérience en audiovisuel, il cherche du travail à Montpellier. Sans diplôme ni formation reconnue, il se heurte aux refus et enchaîne les missions d’intérim alimentaires.
C’est alors qu’un conseiller ANPE lui parle du BEATEP, un brevet d’état d’animateur technicien qui lui permettrait de devenir un professionnel de l’animation.


L’animation : un outil de transformation sociale

Pour Pierre Roy, qui est déjà un fervent partisan des méthodes d’éducation populaire, l’animation est « un sacré outil de transformation sociale » : un espace de compréhension de l’environnement social, politique, économique, culturel, un lieu de prise de positions, de mieux-vivre ensemble…20151021 solexine1

Coupler l’animation et l’audiovisuel est une véritable aubaine pour cet homme qui croit que chacun peut transformer son environnement : « La télé nous abrutit et on ne nous apprend pas la manière dont elle s’adresse à nous… On va apprendre ensemble ce qui fait que la pub a un impact sur nous… Une fois que j’ai compris comment ça marche, je peux créer ma propre communication.»

C’est ainsi que Pierre Roy va animer des ateliers de décryptage audiovisuel, pour des enfants jusqu’aux jeunes adultes, durant un an et demi. Puis il va s’installer dans le Gard, après avoir été embauché pour ses talents de polyglotte par Peuple et Culture pour accompagner des jeunes à la biennale des jeunes créateurs de Lisbonne. Il rencontre alors un jeune auteur de théâtre qui a monté son école d’art dramatique à Alès.


Entre RMI et contrats précaires : de l’énergie à revendre…

Pendant un an, il va développer des outils de communication et démarcher des écoles d’éducateur spécialisé bénévolement pour la structure. « Utiliser l’art dramatique permet de comprendre les volets de communication non-verbale, travailler sur nos propres fragilités et limites ».

RMiste durant cette période, il se souvient aussi « ce qu’on ressent quand on est dans la peau de l’allocataire et qu’il faut demander des choses ». Et de rappeler, avec un sourire, qu’il a été inscrit à l’ANPE sans rupture de 1989 à 2005, enchaînant contrats précaires et missions d’intérim… 35 boulots d’intérim au total qu’il avait jusque-là jugés sans intérêt avant qu’un conseiller ne lui fasse remarquer qu’il avait su s’adapter à chaque fois…
Un homme caméléon donc, hyper-adaptable, que la vie va mener à Grenoble. C’est là que notre trublion va dégoter un contrat aidé pour animer la matinale d’une radio locale.

 

Le DEFA : se donner les moyens de ses actions

Toujours précaire, c’est à la faveur d’un nouveau bilan de compétence qu’il décide de passer le DEFA (Diplôme d’État relatif aux fonctions d’animation). Un diplôme d’encadrant qui lui permet de « mettre la main » dans les dispositifs de politiques publiques, de construire un budget… Le DEFA lui donne les outils pour trouver les moyens aux actions qu’il souhaite mettre en place.

Il va alors devenir adjoint puis directeur de la maison de l’enfance Bachelard : 4 ans en quartier difficile, une expérience riche et usante… Et puis, en 2004, Solexine lui tend les bras : l’association recherche un chargé de développement. Il ne connaît pas bien les publics qui viennent à Solexine et il le dit : « Non, je ne sais pas faire, mais je vais apprendre ».


De l’expression à la création : Solexine, un espace d’évolution

20151021 solexine2Et cet aveu va lui valoir le poste. Il va aller chercher les outils qui lui manquent et va découvrir notamment le plaisir à travailler avec des personnes en situation de handicap psychique : « Ça amène une poésie dingue dans un monde un peu gris ».

Quand il parle de Solexine, il réaffirme avec force que la structure est avant tout un lieu de changement, de transformation. Un lieu d’accueil non-intrusif aussi, on ne sait pas qui vit quoi.

« Ce qui met tout le monde à niveau, c’est que lorsqu’on prend une feuille et qu’on se met à dessiner, le handicap n’est pas un frein pour faire quelque chose de beau, pour faire quelque chose qui touche… »

Onze ans déjà que Pierre Roy travaille à Solexine : un record pour cet homme en mouvement permanent. Et comme il travaille à temps partiel pour l’association, vous le croiserez peut-être à l’accueil des expositions Glénat, lui qui rêverait que Solexine ait un lieu à elle en centre-ville : un bar sans alcool, à la fois espace d’exposition et de rencontre…. Gageons que ce jeune « quadra » poursuivra sa route hors des sentiers battus, lui qui n’a pas oublié ses rêves en chemin.