Au lendemain de la présentation par Jean-Marc Ayrault du « plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », le 21 janvier dernier (voir notre article du 25 janvier 2013 Plan quinquennal contre la pauvreté : retour sur quelques mesures phares), les associations d’aide auprès des personnes en situation de pauvreté n’ont pas tardé à réagir.
Relatif satisfecit du côté des associations ayant collaboré au Plan
Sur le contenu général et les principes affirmés, les principales associations caritatives et « institutionnelles » ont accueilli le plan « anti-pauvreté » avec satisfaction. Normal dans la mesure où elles y ont largement collaboré.
Ainsi, ATD Quart Monde « salue les avancées concrètes de ce plan de lutte contre l’exclusion qui mobilise de nombreux ministères et les partenaires sociaux » (voir PLAN CONTRE L’EXCLUSION : L’AVIS D’ATD QUART MONDE – Mouvement ATD (Agir Tous pour la Dignité) Quart Monde France).
Emmaüs France de son côté « note avec satisfaction que le Gouvernement a retenu certaines de ses propositions liées à l’emploi : la mise en place d’un accompagnement global lié et adapté à la situation des personnes les plus éloignées de l’emploi et une plus grande progressivité dans les contrats aidés » (voir son communiqué de presse).
Le Secours catholique, quant à lui, « note qu’aucun des sujets importants n’a été oublié » et « reste satisfait de voir que ses propositions en matière d’inclusion bancaire et de surendettement, portées par le groupe de travail mené par son président, François Soulage, ont été reprises » (voir Plan quinquennal de lutte contre la pauvreté : le Secours Catholique-Caritas France est déçu par l’absence de traduction budgétaire soutenant pourtant une ambition réelle – SECOURS CATHOLIQUE – Caritas France).
Tonalité bien différente pour d’autres
Quelques voix dissonantes viennent cependant troubler ce consensus global.
Du côté des associations de handicapés, c’est même un sentiment de colère qui prévaut. « Quid des 2 millions de personnes en situation de handicap vivant sous le seuil de pauvreté ? » interroge l’APF (Association des Paralysés de France) qui estime qu’elles sont les grandes oubliées de ce plan et ne se voient attribuer que des « miettes » (voir Plan anti-pauvreté : Des miettes octroyées aux personnes en situation de handicap, les oubliées du plan anti-pauvreté ! : Espace Presse). L’association ayant demandé une audience auprès du Premier ministre, elle sera reçue le lundi 4 février par le cabinet de Jean-Marc Ayrault pour évoquer les problèmes spécifiques de pauvreté liées au handicap.
Le DAL (Droit Au Logement) s’inquiète aussi de la pauvreté … des mesures présentées, notamment concernant l’hébergement d’urgence : « l’objectif de pérennisation ou de création de 5000 places d’hébergement est très largement en dessous des besoins, et ne permettra pas de mettre l’État en situation de respect du Droit à l’hébergement et des obligations qui lui incombent. Le Gouvernement se met donc d’emblée hors la loi. » déclarait-il sur son site (voir Pauvres mesures contre la pauvreté: les miettes c’est pour les pigeons! | DAL Droit au logement).
Le DAL s’était associé, la veille de la présentation du plan, aux associations de chômeurs et précaires (Mouvements national des précaires, Agir contre le chômage, etc.), qui occupaient les locaux du ministère délégué chargé de la Lutte contre l’exclusion pour protester contre la non-participation des « sans » (emploi, logement) à l’élaboration de ce plan.
Consensus unanime autour du manque de visibilité sur les moyens
Les avis des associations se montrent beaucoup plus nuancés lorsqu’il s’agit d’étudier en détail le contenu de chaque mesure. Certaines dénoncent le manque d’ambition de ce plan.
Ainsi, concernant la revalorisation du RSA-socle, une hausse de 10% sur 5 ans représentera « moins de 10 euros par mois, ce qui ne changera pas grand-chose au quotidien des plus pauvres », a regretté le secrétaire général du Secours Catholique, Bernard Thibaud, qui espérait une augmentation plus rapide et plus forte du RSA (de l’ordre de 25% sur 5 ans).
Le Secours populaire, par la voix de son président Julien Lauprêtre, a mis l’accent sur l’intensification de la pauvreté en France, sous-estimée semble-t-il par le gouvernement : « Le plus douloureux est l’absence totale, dans les mesures annoncées, du drame de la faim qui gagne du terrain dans notre pays » (Secours populaire : Le drame de la faim s’étend en France).
De son côté, la FNARS (Fédération Nationale des Associations de Réinsertion Sociale) a qualifié de « mesurette » la mise en place de la « garantie jeunes » et regretté l’absence de chiffrage financier de nombreuses mesures.
Car c’est bien là que le bât blesse, le manque de visibilité sur les moyens ou pire, l’absence de financement, des actions à engager. Ainsi, si le collectif Alerte – qui regroupe 35 associations nationales de lutte contre la pauvreté – estime que le plan constitue « un progrès » et « une avancée significative« , et apprécie la désignation de François Chérèque, ancien travailleur social et président de la fédération santé-social de la CFDT, pour assurer le suivi et l’évaluation du plan, il n’en reste pas moins que l’absence de « loi de programmation pluriannuelle sur 5 ans » qui devait pérenniser le financement des mesures lui paraît inquiétante (cf. Pauvreté : « Il faut que les élus débattent chaque année des avancées » (interview) – leJDD.fr). Le collectif devait le faire savoir au chef de l’Etat lors du 31e congrès de l’UNIOPSS (Union Nationale Interfédérale des Oeuvres et organismes Privés non lucratifs Sanitaires et Sociaux) qui s’est tenu à Lille du 23 au 25 janvier 2013.