Plan Valls: le point de vue d’Olivier Véran, député de l’Isère

Le Bon Plan a suivi l’évolution du plan Valls depuis ses débuts, jusqu’au remaniement et finalement au vote de la loi le 29 avril dernier.

Nous avons rencontré le député de l’Isère Olivier Véran, pour connaître son point de vue sur ce dispositif.

Comment appréciez vous le plan Valls de réduction du déficit public ?

Nous nous devons, vis à vis de l’Europe, de réduire la dette. C’est aussi pour ça que François Hollande a été élu en 2012. Cette dette est très importante, le déficit public s’est creusé, et cela engage notre génération et celle à venir. Au moment où j’ai voté le plan Valls, j’ai pensé à mes enfants, en me disant que j’avais envie que dans 10 ans, dans 20 ans, ils connaissent le modèle social français, que j’ai connu, que mes parents ont connu, et que mes grands parents ont façonné. Il y avait donc une nécessité de réduire la dépense publique. Cinquante milliards d’euros c’est important. Les choix qui on été faits initialement ont pu poser un certains nombres d’interrogations, notamment sur le Plan pauvreté. La mise à contribution de l’ensemble des contribuables, imposables, à l’exception des petites retraites, c’est une formule qui permet de répartir l’effort sur un plus grand nombre de personnes. J’ai donc voté le plan Valls sans difficulté de ce point de vue là, mais j’ai apprécié les modifications qui ont eu lieu au cours du débat.

Est-ce que selon vous le gel des prestations sociales va véritablement handicaper les bénéficiaires ?

La question qui a pu se poser à un moment donné était : pour continuer de financer le modèle social, doit-on supprimer un pan entier de la protection sociale, ou diffuser un effort sur un plus grand nombres de personnes ? L’inflation étant faible, l’impact économique pour les foyers sera le sera également. Et puis, entre le plan Valls initial et celui que nous avons voté, concernant les prestations sociales, et les catégories de populations les plus fragiles, il n’y a plus de sujet de discorde, puisqu’il y a eu des aménagements. Je pense notamment aux petites retraites, catégories C des fonctionnaires…

Les divisions au sein du Parti socialiste au sujet du plan Valls sont elles à même de faire éclater le Parti Socialiste ?

Non ! On parle toujours des 10%  qui ne l’on pas voté [NDLR : 14% selon nos calculs], ou qui se sont abstenus, mais pas des 90% des députés qui l’ont approuvé. C’est vrai que c’est un événement politique, mais on met une focale médiatique très forte sur un petit nombre de députés. Mais, non, il n’y a pas de danger pour le Parti Socialiste, ni pour le groupe socialiste au Parlement. On a tout de même obtenu une majorité de voix, et au-delà des abstentions il y a eu un message. Vous savez, c’était un vote particulier, un vote consultatif. Si nous n’avions pas eu la majorité, il y avait toujours la possibilité de faire passer le texte sans l’avis du Parlement. Donc c’est dans le cadre d’un vote consultatif qu’il y a eu un peu plus d’abstentions. Cela veut dire qu’il faut être vigilant pour l’avenir…

Vigilant ça veut dire avec une menace, menace légère, mais menace quand même…

Sur le groupe socialiste ? Non, je ne crois pas à la menace. Si aujourd’hui 10% des députés socialistes disent au Gouvernement qu’il faut infléchir dans une direction, 90 % ne le disent pas. Il faut entendre tout le monde, il faut entendre les 10% comme les 90%. C’est la raison pour laquelle il y a eu des modifications en cours de route. Après, il y a des postures qui ont été prises, et qui ont été tenues jusqu’à leurs termes, mais, j’en discute avec mes collègues (y compris avec les 41 qui se sont abstenus), aucun n’a la volonté de faire éclater le Parti socialiste ou le groupe socialiste.

Que pensez vous du point de vue largement partagé à droite, selon lequel ce n’est pas seulement le montant des prestations le problème, mais bien le fonctionnement des structures existantes ?

Ils veulent des réformes de structures ? Ça dépends. Si on prends le cas de la santé par exemple, sur les dix milliards d’euros d’économie pour l’assurance maladie, la droite dit : plutôt que de baisser le prix des médicaments, ou de développer la chirurgie ambulatoire à l’hôpital, il faut supprimer l’aide médicale d’État, ou instaurer un ticket d’entrée que les étrangers en situation irrégulière doivent payer avant d’être soignés. Ça n’est pas une réforme de structure, c’est « bousiller » toute une partie de la solidarité qui fonde notre modèle social. La droite n’est pas en train de dire « façonnons un modèle social pérenne », elle est en train de dire « rabottons  le modèle social, et supprimons la protection pour les plus faibles ». C’est toujours cette vieille  rhétorique selon laquelle il y aurait des assistés en France, et qu’il faut les stimuler, les motiver, etc. Certainement pas.

Que pensez vous des « plans B » qui ont été proposés : taxer les entreprises au lieu de toucher aux prestations sociales, d’une part, ou bien réduire l’objectif des économies à 35 milliards d’autre part ?

La question c’est un travail de fond. On parle de compétitivité des entreprises. Pas pour que les entreprises soient belles ou qu’elles aient une jolie façade, mais pour que les entreprises soient en mesure de recruter, pour que le chômage puisse reculer et qu’il y ait moins de demandeurs d’emploi. Quand on se compare avec nos voisins européens, on constate un problème de coût du travail, mais aussi de compétitivité sur la qualité. Le Président de la République a eu la volonté suite au rapport Gallois, de réduire les coûts de fonctionnement de l’entreprise, afin qu’elles puissent embaucher. Donc la profonde réforme de structure est là. On est en train de préparer le terrain pour demain. C’est pour cette raison  que l’on diminue un certain nombre de cotisations patronales. Il y a plein d’entreprises ici que je visite, dans la circonscription, qui n’ont plus de trésorerie, qui ont une comptabilité juste, qui sont au bord de licencier ou de mettre la clef sous la porte. Ce sont ces entreprises-là qu’on essaie d’aider. Ce ne sont pas les grands groupes du CAC 40, qui eux sont florissants en France et à l’étranger. Ce sont toutes ces PME, tous ces tissus d’entreprises, à même d’embaucher des gens, ici et ailleurs en France, et qui ne le peuvent pas aujourd’hui. C’est ça qu’il faut qu’on regarde. Il faut sortir de ce discours totalement erroné, qui laisse penser qu’en aidant les entreprises on n’aide pas les gens. Pourtant, en aidant les entreprises à embaucher, on aide les gens à avoir de l’emploi. C’est ce qu’ils nous demandent de faire.

 
Si vous deviez amender le projet, que proposeriez vous ?

Forcément, parce que c’est mon domaine, ce serait sur la partie santé, sur les dépenses d’assurance maladie. J’aurais peut être posé la question de savoir si on ne peut pas mieux rembourser certains soins qui aujourd’hui ne le sont pas, par exemple les prothèses auditives, les dents, l’optique. Comme ça représente une somme d’argent importante, n’aurait-on pas pu faire des vases communicants, c’est-à-dire, à coûts constants, mieux rembourser ces soins lourds, que les Français ne peuvent plus se payer, et en même temps dé-rembourser peut être un certain nombre de soins de confort, qui sont encore aujourd’hui bien pris en charge par la sécurité sociale. Je crois que les Français sont prêts à faire des choix. Je voyais un ami proche, ce week-end, qui a eu un devis de 4500 euros, pour des prothèses auditives, parce qu’ il n’entend plus le son de sa télé. Il a travaillé toute sa vie, a cotisé à la retraite, a cotisé partout, à une complémentaire, et il me dit « je ne peux pas me payer ça ». C’est un soin qui est lourd, mais c’est important de pouvoir entendre correctement. Voilà, l’amendement que j’aurai proposé. Davantage de prise en charge pour les soins techniques, lourds et important pour les français.

 

Les associations montent au créneau pour protester contre le gel de la revalorisation des prestations sociales, va t-il falloir composer ou résister ?

Il ne faut jamais résister aux associations, il faut toujours dialoguer avec elles. C’est la méthode du Gouvernement depuis deux ans, c’est la démocratie sociale, c’est-à-dire que l’on met les partenaires sociaux autour de la table, en leur donnant un objectif : à eux de tracer la feuille de route, et à nous  parlementaires ou membres du Gouvernement de la respecter.  

Le gel est prévu pour une année, ne va t-on pas retrouver la même problématique l’année prochaine ?

Il y a un engagement de réévaluation, pour les fonctionnaires mais aussi pour les prestations sociales. En fonction des résultats économiques, de la croissance, il y a un engagement qui est pris : si la situation du pays s’améliore, le premier effort que l’on fera, portera  sur les prestations sociales.

Donc la revalorisation reprend l’année prochaine ?

Oui normalement, si tout va bien.