Les habitants de la Villeneuve en ont assez des caricatures et des raccourcis, et l’ont fait savoir en attaquant France 2 en justice pour diffamation.
Pas de quartiers
Le 26 septembre de l’année dernière, France 2 diffusait dans le cadre de l’émission Envoyé Spécial un reportage « à charge » sobrement intitulé : « Villeneuve, le rêve brisé ». Voitures brûlées, trafiquant d’armes, enfants soldats enragés et Roms maltraités : tout était fait pour donner du quartier de la Villeneuve une image violente et délétère, sans jamais faire mention de la richesse de sa vie associative et des nombreuses actions et initiatives citoyennes qui rythment le quotidien de ce quartier populaire.
Les habitants de la Villeneuve ne se sont évidemment pas reconnus dans ce programme sensationnaliste, incapable de la moindre mesure ou de la moindre objectivité. Après avoir réclamé un droit de réponse que la chaîne leur a refusé, malgré un avis du CSA indiquant qu’elle a manqué à ses « obligations déontologiques », tout le quartier s’est uni pour porter plainte en diffamation contre France 2.
Prévue le 15 mai à 13 heures 30, l’audience a été l’occasion d’une mobilisation des habitants de la Villeneuve, venus nombreux au Tribunal de Grenoble afin d’affirmer leur soutien et d’exprimer leur colère et leur sentiment de trahison. Si beaucoup disent ne pas attendre grand chose du procès en soi, tous savent qu’il est l’occasion, de par son caractère inédit, de porter leur message dans les journaux nationaux. Un pari réussi, à en juger par la couverture médiatique de l’événement.
Une cause
Devant le Palais de Justice, les habitants font corps et répondent aux journalistes. Tout le monde a quelque chose à dire contre ce reportage et veut le faire savoir, l’attention des micros et des caméras se tournant entièrement vers ces résidents excédés, faisant presque oublier qu’au même moment, à cinq mètres de là, des greffiers et agents de greffe sont en train de manifester et de faire entendre leurs propres revendications.
C’est ensuite à l’intérieur du Tribunal, devant les portes de la salle d’audience numéro 5, que la petite foule attend le début de l’audience. Un peu moins de deux cents personnes occupent ainsi le hall, sous les regards curieux des avocats qui déambulent et la surveillance amicale et courtoise des policiers. « On est là pour ça, vous défendez une cause ! » répond l’un d’eux à une habitante qui le remercie de la présence respectueuse des forces de l’ordre.
Le brouhaha résonne comme une houle compacte, les conversations tournent autour du reportage et bruissent des mêmes mots. On parle de trahison, de diabolisation, mais aucune agressivité ne se dégage de chacune des personnes présentes qui semblent au contraire heureuses d’être ici, d’avoir l’opportunité de soutenir leur quartier qui a été, une fois de trop, défiguré par une journaliste en quête de sensationnalisme.
Malgré une attente qui durera plus de deux heures, l’impatience n’est pas de mise. Les gens se retrouvent et se saluent, finissent de répondre aux journalistes encore présents. Lorsque l’audience commencera, les policiers feront entrer le public au compte-gouttes. La salle n’est pas bien grande et très peu de personnes, à peine une vingtaine, auront la chance de pouvoir assister aux débats.
Le jugement sera rendu le 26 juin.