Qui trop embrasse…

Le « trop », le « too much » exagère. Il en fait trop. Et c’est ce trop-plein que Jean-Louis Fournier choisit de pourfendre dans son dernier ouvrage.

Tristes tropiques

Si le mieux est l’ennemi du bien, le trop est l’ennemi… tout court. Celui qui, un jour, est demeuré interdit durant de longues minutes de solitude devant le rayon d’un supermarché, à la recherche d’une simple plaquette de beurre ou d’une ampoule toute bête, saura comprendre le message que nous délivre l’auteur. C’est-à-dire environ tout le monde, et tant pis si c’est trop.

À quoi bon trente parfums différents pour une seule marque de yogourt ? Pourquoi ce déluge de produits de beauté, de médicaments, de savons ? Quel intérêt d’aller s’entasser à plus de quinze mille personnes pour écouter un chanteur ou un humoriste ? Quelle direction peut décemment envisager une humanité qui comptera, à la fin du siècle, pas moins de dix-sept milliards d’individus ? Le trop est devenu la norme. Et Jean-Louis Fournier, compagnon de route de Pierre Desproges, n’est pas homme à aimer la norme.

Argent, trop cher

Loin de pondre un nouvel essai sur la question, il n’y en a déjà que trop, Fournier fonctionne par chapitres courts, par démonstrations tantôt grinçantes, tantôt poétiques, voire par énumérations. La forme même de l’ouvrage envahit le lecteur, le trop omniprésent submerge les sens, ce trop tellement ancré dans notre existence que l’on ne s’en rend plus compte, que l’on est presque tenté d’en demander encore plus.

Il y a du rire, de la nostalgie, de la tendresse aussi dans les portraits qui nous sont délivrés, dans les saynètes que Fournier articule autour de son propos. Et le chroniqueur de s’interroger : faut-il essayer d’en dire beaucoup, au risque d’en dire trop, ou choisir la sobriété et tomber peut-être dans l’excès inverse ?

Car après s’être vu démontré, dans une prose et une forme implacables, combien notre société déborde du « trop », on en oublierait presque que ce trop se fait toujours au détriment d’autre chose. Et l’on espère qu’à l’occasion de son prochain ouvrage, Jean-Louis Fournier se penchera sur une autre tare qui nuit à nos civilisations contemporaines consuméristes : celle du « pas assez ».

Trop
de Jean-Louis Fournier
Éditions La Différence
192 pages, 16 €