Depuis le 7 novembre 2011, le mot « rigueur » n’est plus tabou. Une crise qui n’en finit pas de durer, une dette publique qui atteint des sommets, une zone Euro en mauvaise posture, des pays voisins au plus mal financièrement et une notation quasi-parfaite (le fameux AAA) qui risque de dégringoler ont eu raison des termes policés et convenus. Nous ne sommes plus désormais dans une phase de gestion ou d’efforts, mais bel et bien entrés dans une période de rigueur !
Aux grands maux (mots ?), les grands remèdes : le premier ministre François Fillon annonce une série de mesures draconiennes afin de « protéger le pays contre les graves difficultés que rencontrent les pays européens ». En d’autres termes, le gouvernement fait le pari de trouver 65 Milliards d’économie d’ici 2016 et pour cela prévoit de récupérer l’argent chez le plus grand nombre, c’est à dire les ménages.
L’effort de guerre
Finis les vœux pieux, qui faisaient une confiance aveugle à un futur forcément meilleur où le miracle viendrait d’un taux de croissance exceptionnel et durable. L’heure est désormais aux mesures aux effets aussi rapides que vérifiables, touchant principalement les ménages des plus riches au plus pauvres. L’objectif immédiat est de ramener le déficit public à 4,5 % dés 2012 et 3 % en 2013 (il est de 5,7 % en 2011). D’où un certain nombre de mesures qui enterrent définitivement la promesse d’un pouvoir d’achat amélioré.
Les entreprises vont, bien entendu, apporter leur contribution à l’effort de guerre. L’impôt sur les sociétés sera augmenté de 5 % pour celles qui réalisent un chiffre d’affaire supérieur à 250 millions d’euros. Ainsi, il est envisagé de récupérer 1,1 milliard d’euros : on est encore loin du compte par rapport aux 65 milliards envisagés. La question est de savoir quel stratagème utiliseront les entreprises les plus riches, expertes en délocalisation dans les paradis fiscau , pour se mettre à l’abri de cette hausse : la notion de participation à l’effort collectif prendra t-elle le dessus sur l’addiction au profit ?
Certaines niches fiscales seront également réduites pour récupérer un total de 1 Milliard en 2013. Finie la loi Scellier qui garantit aux propriétaires achetant des appartements afin de les louer une déduction d’une partie de leurs investissements de leurs impôts. Le PTZ (Prêt à Taux Zéro (PTZ) initialement prévu pour les accédants à la propriété les plus modestes sera recadré et devenu progressivement accessible à tous, va être recadré pour retrouver sa mission première et se limiter à l’achat de neuf. Quant au crédit d’impôt « développement durable » destiné à favoriser l’économie d’énergie, il sera réduit de 20 %
Pour le reste à gagner, c’est aux ménages que l’on a fait appel en mettant en place de nouvelles taxes ou des aménagements dont les plus démunis ne pourront s’exonérer. Ainsi, la TVA à taux réduit de 5,5 % passera à 7 %, hormis les produits de première nécessité. Sont concernés ? Les produits culturels (livre, cinéma, abonnement télé), la restauration (depuis le luxueux trois étoiles Michelin à la restauration rapide mode Mac Do ou Kebab) et l’hôtellerie ( Carlton ou camping des Flots Bleus). Une hausse qui devrait rapporter 1,8 Milliards et augmenter accessoirement la lente érosion des ventes de CD et des livres).
Les ménages en première ligne
Autre contribution des ménages : le gel du barème de l’impôt sur le revenu pour 2012 et probablement 2013. Jusqu’à présent ces barèmes suivaient la hausse des salaires qui s’aligne sur l’inflation… Mais pour l’année prochaine, certains contribuables (essentiellement les plus favorisés mais pas uniquement) vont avoir la désagréable surprise, sans avoir de progression salariale exceptionnelle hormis celle habituelle de l’inflation (2,3 % en 2011) de passer à une tranche supérieure, soit une augmentation non négligeable qui devrait rapporter 1, 7 Milliard.
Si la mesure précédente va toucher essentiellement les plus hauts salaires, celle concernant la compression des dépenses publiques entraînera une réduction des crédits des différents Ministères et une réduction des dépenses de santé, afin d’économiser 1,2 milliard.aura un impact sur l’ensemble de la population. En effet, le détail des coupes budgétaires est encore flou, on peut s’attendre à ce que le recours aux soins soit encore une fois mis à mal et devienne un peu plus un service de luxe. De quoi faire augmenter le nombre de personnes qui renocent à se soigner pour des raisons financières (c’est déjà le cas de 58 % des Français actuellement !),
Si le terme de désindexation partielle des prestations sociales vous déroute, sachez que cela ne vous épargnera pas pour autant. Ce sont en effet les classes populaires, bénéficiant de l’allocation rentrée, de l’allocation logement ou de bourses pour la scolarité de leurs enfants, qui verront leurs aides revalorisées de 1% seulement, alors qu’elles étaient jusqu’à présent indexées sur l’inflation. Une baisse du pouvoir d’achat qui rapportera 0,4 Milliard : il n’y a pas de petites économies.
Dernière mesure enfin, pour parfaire l’implication du plus grand nombre : l’accélération de la réforme des retraites. Initialement prévu pour 2018, le départ en retraite à 62 ans sera avancé à 2017, obligeant la génération née entre 52 et 55 à travailler cinq mois de plus que leurs collègues partis avant eux. Si l’apport financier de cette mesure est faible pour l’année prochaine (2,2 Milliards Euros ), c’est 4,4 Milliard que l’on prévoit d’économiser d’ici 2016.
Une rigueur qui n’épargnera donc personne et dont chacun pourra mesurer efficacement les effets. Aura t-on le temps de s’y habituer ? L’arrivée prochaine de nouvelles mesures, d’un nouveau plan pour tenter d’enrayer une dénotation qui paraît inéluctable nous porte à penser qu’il ne s’agit là que d’un début.