Comment comprendre l’échec relatif du RSA-activité ? Au moment où syndicats et politiques relancent l’idée d’une fusion RSA-activité/PPE (prime pour l’emploi), une étude de l’INSEE met en rapport les défauts ciblés du RSA-activité avec les failles de son expérimentation, et explique par là l’échec relatif du dispositif.
Qui – ou quoi – est responsable de l’échec du RSA ? On a ciblé le problème du non-recours, on a évoqué sa moindre efficacité tant qu’il reste parallèle, de manière assez problématique et compliquée, avec la PPE. Mais un dossier consacré au RSA, dans le dernier numéro d’Economie et statistique, publié par l’INSEE, rend responsable le comité d’évaluation du RSA, lequel, par insuffisance et inconséquence, n’aurait pas su prévenir les échecs d’aujourd’hui.
En effet, au moment de la mise en place du RSA, et avant sa « généralisation », un dispositif d’évaluation avait été mis en place. Celui-ci avait lancé, à l’essai, sur 34 départements, un éventail d’expérimentations concernant près de 15 800 foyers (contre plus de 2 millions de bénéficiaires aujourd’hui), pour en mesurer et vérifier les effets.
L’objectif du rapport de l’INSEE est donc de cibler comment les failles du dispositif RSA n’ont pas été prévues dans sa phase expérimentale. Le premier reproche adressé à la mise en place de ce dispositif d’évaluation concerne le calendrier. Vérifier les effets d’un plan RSA était en effet nécessaire, mais encore fallait-il donner du temps au temps, c’est à dire attendre suffisament pour pouvoir juger vraiment les effets produits par le nouveau RSA à l’essai. Un bel exemple ? Le non-recours. Selon le rapport, il aurait fallu attendre suffisament pour pouvoir apprécier l’ampleur du recours et du non-recours. Une autre erreur de taille, que cible le rapport, qui explique à la fois le non-recours et que l’on n’ait pas su le prévenir : les foyers sollicités pour le test du RSA relevaient déjà tous des minima sociaux, alors que le RSA avait justement pour objectif de toucher un nouveau public. On n’a donc pas pu mesurer l’impact du nouveau RSA sur un public jusqu’alors étrangers aux minima sociaux. Certes, relève Florence Thibault, dans son commentaire pour la revue de l’INSEE, il était bien plus simple de cibler les bénéficiaires de l’expérimentation à partir des fichiers de la CAF, mais on s’interdisait par là même de pouvoir mesurer l’impact du RSA sur les travailleurs pauvres ne touchant ni RMI ni API.
Mais le rapport va plus loin. Non seulement un certain nombre de paramètres n’ont pas été pris en compte au moment de l’évaluation du dispositif à l’essai, mais encore ils n’ont pas été pris en compte, non plus, au moment de la généralisation du dispositif. Ainsi, le rapport souligne l’ampleur inattendue du non-recours, qui n’a pas été vu, en fait, ni « avant », ni même « pendant », mais seulement « après ».
Le RSA apparaît donc, de plus en plus, aujourd’hui, bancal et porteur pour ainsi dire de certains vices, mais de plus son efficacité économique, et son impact sur le chômage sont mis en doute par les chiffres. Ainsi le rapport de l’INSEE remarque que si le RSA a contribué a augmenter le taux de retour à l’emploi des mères isolées, on a du mal à mesurer un effet réel du RSA sur l’emploi des hommes. Difficile également de déceler un progrès au niveau de l’emploi des jeunes à l’âge légal de l’entrée dans le RSA (25 ans).
Mais plus encore, si le RSA aide concrètement 151 000 individus à sortir de la pauvreté, et si on estime à 645 000 le nombre de foyers qui pourraient sortir de la pauvreté grâce au RSA mais n’y ayant pas recours, ces chiffres font piètre mesure comparés à l’évaluation du nombre de pauvres en France (8 600 000 en 2010).
C’est pourquoi ce nouveau rapport de l’INSEE remet en cause le sens et la pertinence de l’existence du RSA. Celui-ci n’atteint pas ses objectifs en termes de bénéficiaires et d’impact sur la pauvreté. Ce rapport s’inscrit donc en complément du rapport Sirugue sur la fusion RSA-activité/PPE, et montre de manière évidente que nos dispositifs sociaux de lutte contre la pauvreté sont destinés à évoluer pour remplir leurs objectifs.
On pourra enfin noter, à la lecture de ce rapport, que le RSA, bien loin d’être la porte ouverte à toutes les fraudes sociales, comme on a pu le dire, présente en réalité le défaut inverse : une majorité de ceux qui y ont droit n’y ont pas recours, et, bien loin de vouloir supprimer cette prestation sociale dans son principe, il faut au contraire penser un dispositif qui pourra, lui, atteindre son objectif de réduction de la pauvreté.