Depuis L’Odyssée jusqu’au film All is lost, la fragilité de l’humain face à la mer ou l’océan fascine l’humanité et ses artistes. Le Vieil homme et la mer en est un exemple criant.
Frêle esquif
« C’était un vieil homme qui pêchait seul sur une barque dans le Gulf Stream et qui n’avait pas pris un seul poisson depuis quatre-vingt-quatre jours. » Ainsi commence le roman d’Hemingway, ainsi commence à peu de chose près la bande dessinée de Thierry Murat. Sur le portrait de ce « salao », cubain, autrement dit cet homme que toute chance a abandonné et qui revient chaque jour bredouille de sa pêche.
Puis il y a ce jour, ce matin où le pêcheur part avec le sentiment que la chance va tourner. Et sa barque croise le chemin d’un mystérieux espadon qui, une fois hameçonné, fera dériver le vieil homme durant plusieurs jours. C’est un jeu de patience autant qu’une lutte à mort qui se dessine alors sous nos yeux. « Tant que tu continueras comme ça, poisson, je pourrai rien faire pour moi et tu pourras rien faire pour moi. »
Se perdant dans les immensités à la poursuite d’une idée fixe, le vieil homme captive lorsque rien ne se passe, lorsque ses gestes mesurés et réfléchis servent la tension palpable de son duel métaphorique, de cette ultime bataille qu’il livre au bout de sa vie pour contrer l’adjectif de salao qui lui colle au cœur.
Poisson voguant
Librement inspiré d’Hemingway, que Thierry Murat met d’ailleurs en scène, l’ouvrage choisit d’articuler l’apparente sobriété de son récit autour d’une sobriété – tout aussi apparente – de son dessin, où chaque case conte les étendues désertes de l’océan et le rythme des aubes succédant aux crépuscules.
Le soin du détail se niche dans des silhouettes anodines, dans des tableaux silencieux et imposants, et se mélange à des couleurs profondes et envoûtantes, que des rêves d’Afrique viennent de temps en temps perturber. Et c’est ainsi une beauté crue et sans fard que nous offrent les dessins de Thierry Murat, sans se soucier de combler l’espace ou le vide, sans jamais chercher l’onomatopée de convenance.
Ni criard, ni bavard, le dessinateur nous offre ici une adaptation solennelle autant qu’un voyage. Un livre qui nous attache au fil des pages et nous laisse dériver avec lui avant de se conclure sur un sourire teinté de tristesse. Une merveille.
Le Vieil homme et la mer
de Thierry Murat
Librement adapté du roman d’Ernest Hemingway
Éditions Futuropolis
128 pages, 19 €