Surendettement : quand l’argent fait mal

Le surendettement fait recette. Sujet de reportage récurrent chez Capital sur M6, sujet  dramatique développé dans le film « Toutes nos envies » de Philippe Lloret, sujet d’étude pour les économistes et sociologues et sujet d’inquiétude pour des ménages en situation de précarité.

Désormais, ce problème concerne de plus en plus de monde, comme le révèlent les dernier chiffres : en 2011, le nombre de ménages déposant un dossier de surendettement entre janvier et octobre a progressé de 3 %. par rapport à l’an dernier. Le début d’une longue démarche pour se sortir  d’une noyade financière.

 

Loin des clichés

Régulièrement, le surendettement est associé à une folie dépensière outrancière qui se moque ouvertement des règles élémentaires de l’équilibre budgétaire. Tout tout de suite !… Voiture, vêtements et objets de luxe, train de vie flamboyant. Mais au regard des chiffres que publie chaque année la Banque de France et des témoignages de travailleurs sociaux, la vérité est toute autre : « Le surendettement, c’est plus souvent un problème de revenus que de budget  » constate Claudie Patacini, conseillère en économie sociale et familiale au Centre Social du Vieux Temple à Grenoble. Parmi les gens qu’elle reçoit, ce sont surtout des gens en situation précaire ou à faibles revenus qu’elle dirige vers un dossier de surendettement. Même constat pour Jean-Charles Sananes, directeur départemental de la Banque de France en Isère :  » il y a essentiellement deux types de populations surendettées : les gens qui rencontrent un accident de la vie (divorce, décès du conjoint, maladie, chômage) et ceux qui sont dans la catégorie travailleur pauvre ».

Mesures mises en place

Pour une personne qui souhaite bénéficier d’une mesure de surendettement, tout commence par le dépôt d’un dossier à la Banque de France. Celui-ci va établir un véritable état des lieux de la situation financière de la personne, c’est à dire  ses dettes ses crédits, mais aussi ses dépenses, ses charges, son épargne, ses revenus. Une commission composée de sept personnes  (Le préfet, le trésorier payeur général, le directeur de la Banque de France, un représentant d’organisations familiales ou de consommateurs, un représentant des établissements de crédits, un Conseiller économique Social et Familial, un juriste) statuera de la recevabilité ou non  de ce dossier afin de voir si le demandeur  est de bonne foi. Si le dossier est reçu, deux orientations sont possibles. Dans le cas où la situation est non irrémédiablement compromise, un projet de plan de remboursement est proposé : s’il est accepté il permettra au débiteur de disposer de plus de temps pour rembourser, en conservant un minimum vital. S’il est refusé, des mesures pourront être imposées ou recommandées.

Dans le cas où il s’avère après calcul que  les capacités de remboursement sont nulles ou négatives, la commission peut mettre en place une PRP (Procédure de Redressement Personnel) avec ou sans liquidation judiciaire en fonction de la valeur des biens (exceptés ceux d’un usage essentiel : gazinière, réfrigérateur, etc.) dont dispose la personne surendettée. Au terme de cette procédure, toutes les dettes , exceptées celles professionnelles et les impôts, sont effacées. Cette décision reste exceptionnelle : elle se base sur le constat d’une incapacité réelle à rembourser et que le patrimoine d’une personne endettée ne suffirait pas pour que cette dernière puisse s’acquitter de l’argent qu’elle doit à ses créanciers. Une mesure qui ne correspond en rien à un recours gracieux accordé avec bienveillance : il s’agit avant tout de la dernière issue face à une situation jusque là insurmontable. Dans toutes les situations, les créanciers peuvent contester les décisions prises et c’est alors au juge d’instance de trancher. « Les recours les plus fréquents sont déposés par des banques qui estiment que la possession d’un bien immobilier peut empêcher la mise en place d’une PRP », explique Véronique  Gimeno, juge d’instance à Grenoble, chargée du surendettement, « mais à la base, j’estime que la commission fait très bien son travail et, à moins que des éléments nouveaux ne me soient fournis, je suis son avis. » Ce sont ces recours presque systématiques chez certaines banques que cette magistrate devra traiter en audience publique. La plupart du temps, les créanciers n’assistent pas aux audiences et limitent leurs contestations à un courrier tandis que les surendettés répondent à la convocation et tiennent à donner la preuve de leur bonne foi., sans avocat la plupart du temps, presque livrés à eux-même et à un vocabulaire judiciaire que la juge s’emploie à rendre le plus accessible possible.

Ces plans ont une durée de vie de huit ans durant lesquels la personne surendettée sera fichée au FICP (Fichier des Incidents de Remboursement sur Crédits aux Particuliers), ce qui l’empêchera de pouvoir ouvrir un nouveau crédit.

La spirale infernale ?

Un découvert dont on se sort mal, des charges qui augmentent et les fameux crédits revolving utilisés mis en place pour répondre le plus rapidement possible à un passage difficile, sans chercher à savoir si on sera en mesure de payer sur une longue durée. Et tout doucement, avec les difficultés qui perdurent ou s’aggravent, on fait appel à d’autres crédits qu’il faudra bien aussi rembourser..  On ne se réveille pas surendetté un beau matin, on y tombe doucement.

« On pourrait dire que beaucoup de gens qui viennent nous voir arrivent en dernier recours, parfois trop tard, explique Claudie Patacini, Et c’est à ce moment qu’on se rend compte qu’ils sont en situation de surendettement ».  la politique de l’autruche, la peur d’être accompagné pour trouver une solution financière et la honte de devenir un assisté économique ont eu raison d’une résolution possible avant l’inéluctable. »On sent une réticence de faire un dossier de surendettement, c’est pourquoi nous avons mis des réunions régulières le premier vendredi de chaque mois : cela rassure des gens par rapport à ce qu’ils ont entendu dire.. On veille cependant à ce que l’assistanat ne se substitue pas à l’accompagnement : dans tous les cas, les démarches sont effectuées par les personnes concernées et non par des assistantes sociales ou des conseillères en économie sociale et familiale. « 

De la prévention ?

Le surendettement va croissant  touchant de plus en plus une population précaire et plus âgée. Cependant, il semble que les mesures pour combattre cela ne soient pas forcément à la hauteur du problème. Dernièrement, une nouvelle loi a été mise en place, à l’initiative de Christine Lagarde, mettant en place le fichier positif mais cela suffira-t’il ? Ce mal qui touche de plus en plus de personnes est il vraiment pris en main ? Des initiatives telles que des groupes de parole en essai sur le département de l’Isère ou des forums sur internet sur lesquels témoignages voisinent avec conseils d’experts montrent une étendue des dégâts assez importante.

N’y a t il pas d’autres solutions à envisager ? Une  prévention réelle où la tenue d’un budget aurait  sa place dans l’enseignement, où l’argent ne serait plus présenté comme quelque chose de dématérialisé donnant accès à tous nos désirs. A quand un bandeau sur les organismes de crédit au niveau des inscriptions  sur les paquets de cigarettes : le crédit nuit gravement à la santé ? En attendant, cela, le surendettement progresse, progresse, progresse…

Adresses Utiles :

Banque de France : http://www.banque-france.fr/

Réunion d’information sur le surendettement tous les 1er vendredis du mois animée par une Conseillère en Economie Sociale et Familiale, Centre Social Bajatière 79, avenue Jean Perrot 38100 Grenoble

Crésus (association d’aide aux surendettés) : http://www.cresusalsace.org