Décidée par Nicolas Sarkozy et se voulant un dispositif plus efficace contre le chômage, la fusion entre l’ANPE et les Assedic fait figure d’usine à gaz, peu performante et très coûteuse.
S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème
Ancien directeur adjoint de Pôle Emploi au moment de sa création, Hervé Chapron ne mâche pas ses mots : « Pôle Emploi n’aura-t-il été depuis 6 ans qu’un gigantesque et bien triste abus de confiance national ? », demande-t-il au moment de conclure son essai qui, à bien des égards, tient surtout du pamphlet, sinon du brûlot.
L’auteur pose souvent les bonnes questions : concernant par exemple le statut juridique, terriblement flou malgré les dénégations du ministre d’alors, de la nouvelle entité. Concernant également son fonctionnement, centralisé au-delà du raisonnable, ou l’absence de préparation en amont de cette fusion, qui a laissé bien des salariés dans la circonspection. Concernant enfin la capacité de Pôle Emploi à remplir les rôles qui lui ont été alloués, les chiffres galopants du chômage ne plaidant pas en sa faveur.
Hervé Chapron constate beaucoup, n’hésite pas à livrer au lecteur des tableaux ou des schémas souvent aussi édifiants qu’illisibles, mais suggère peu. À l’exception de la décentralisation, où il propose un Pôle Emploi sous tutelle d’une instance émanant des conseils généraux, le lecteur aura surtout droit à des « y a qu’à, faut qu’on » souvent plein de bon sens mais peu nourrissants pour le débat complexe que les problèmes soulevés peuvent produire.
De la même manière, son ouvrage se veut avant tout une critique cinglante de la fusion même, que l’ancien directeur des Assedic qu’il fut a, de toute évidence, très mal vécu. On ne saurait lui reprocher d’être infidèle à l’organisme qu’il dirigea : Chapron livre un portrait volontiers flatteur de l’assurance-chômage, face à une ANPE incapable de se réformer ou de regarder les réalités de la société en face. On comprend mieux que ce mariage forcé n’ait pas eu l’heur de lui chaloir.
Le tableau noir
L’indignation se fait d’ailleurs souvent sentir lorsque l’auteur, page après page, use et abuse des points d’exclamation pour mieux souligner ses propos, relayés quelquefois par des points de suspension dont l’utilité ne frappe pas toujours. Il faut bien reconnaître d’ailleurs que l’ouvrage fait montre d’un sens très personnel de la ponctuation, voire de la syntaxe ou de la grammaire en général.
À de nombreuses occasions, le lecteur aura l’impression de lire un ouvrage rédigé à la va-vite et qui n’a tout simplement pas été relu. Certains chapitres déroulent tellement de fautes d’accord ou de coquilles à la ligne que cela tient du bêtisier, et l’on découvrira ainsi, au hasard des paragraphes, parmi diverses fautes de temps ou pluriels abusifs, des phrases aussi surréalistes que « le syndrome de la branche des ciseaux fonctionnement à plein, parfaitement, hélas ! »
Au-delà de ces errements syntaxiques, le style même de cette « autopsie d’un naufrage » laisse clairement à désirer. Les amoureux des métaphores aventureuses trouveront leur bonheur, ne serait-ce qu’avec le titre. Autopsier un naufrage a finalement autant de sens que de se faire vacciner contre les fuites de robinet.
Jusqu’où s’arrêteront-ils ?
Ajoutons que Hervé Chapron ne prend pas toujours la peine d’expliciter ses affirmations pourtant souvent péremptoires. Lui qui a volontiers recours à Wikipedia devrait pourtant savoir combien il est important de citer ses sources. La moitié des chiffres avancés ne sont simplement pas sourcés, ou leur source proclamée est introuvable. Et quand il affirme que la majorité des intermittents du spectacle sont CGT, il se laisse aller à une assertion bien audacieuse que le syndicat lui-même, contacté par nos soins, se refuse à confirmer.
Ce relâchement stylistique, syntaxique et méthodique certain est d’autant plus dommageable qu’Hervé Chapron a des choses à dire, que son propos est légitime, et que sa volonté d’aller à l’encontre des clichés dont on affuble les chômeurs est plus que louable. Hélas, lorsque les bornes des limites franchissent trop de frontières, la forme finit par décrédibiliser le fond !
Pôle Emploi, autopsie d’un naufrage
de Hervé Chapron et Patrick Lelong
Éditions de l’Opportun
208 pages, 15 euros