Dans La Dénonciation, recueil de nouvelles sous forme de contes modernes, Bandi nous apporte un peu de vérité sur le quotidien des habitants du pays le plus hermétique au monde : la Corée du Nord.
Bandi, auteur de La Dénonciation, est sûrement sexagénaire. De lui, on ne sait rien à part qu’il est un homme. Le pseudonyme « Bandi » veut dire « luciole » en Coréen (Nord) dont le souhait est de nous éclairer sur la réalité Nord-coréenne. Ces sept nouvelles, écrites entre 1989 et 1995 durant les grandes famines, montrent un peuple profondément oppressé et meurtri. Pour que La Dénonciation soit publié, il aura fallu la fuite d’une amie pour faire passer en Corée du Sud ses manuscrits, jusque là condamnés à ne jamais être lus.
Un pays de captifs
L’enfermement est l’idée maîtresse qui jalonne ces nouvelles. En effet, les protagonistes sont enfermés dans le passé dans L’Orme-trésor ou dans un rôle dans La Scène. Dans la nouvelle épistolaire La Fuite, l’expéditeur expose le système de castes discriminatoire : étant le petit-fils d’un homme qui a un jour laissé pourrir quelques graines, il est aujourd’hui considéré comme un paria. Sa femme, elle, souffre de ne pas pouvoir porter son enfant.
« Il n’existe aucune mère sur terre qui veuille accoucher d’un être dont
elle sait d’avance qu’il passera sa vie entière à se frayer un chemin dans
des buissons de ronces. »
À l’époque des récits, Kim Il-sung, fondateur du régime dictatorial de Corée du Nord, était le « Grand Leader » vénéré comme un dieu. Aujourd’hui, la troisième génération de la lignée Kim règne et pourtant, rien ne semble avoir changé. Les sept nouvelles de La Dénonciation sont comme des contes intimes et intemporels des oubliés du monde. On accède là à une donnée précieuse et rarissime : le quotidien en Corée du Nord. Généralement, seule la propagande arrive à se frayer un chemin vers le « monde extérieur ». Elle montre des gens heureux, alors que rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.
Dénoncer pour changer
Chacune des nouvelles est un récit poignant et concret, une invitation à faire l’expérience de l’enfer quotidien de cette dictature. Elles sont pour Bandi un appel à l’aide, une dénonciation pour que la révolte vienne aussi de l’extérieur. Les histoires peuvent être cruelles, mais elles dénotent toutes un réveil du peuple, une rage brûlante derrière des sourires forcés.
« [Ces histoires] sont aussi arides que le désert,
Aussi brutes que la prairie sauvage,
Aussi pitoyables qu’un malade,
Aussi maladroites qu’un grossier outil en pierre,
Mais, cher lecteur,
Je t’en prie, lis-les ! »
La Dénonciation
Bandi
Éditions Philippe Picquier
245 pages
19,50 €