Cartographier les Alpes françaises avec précision : c’est le travail de titan auquel Paul Helbronner s’est consacré sans réserves de 1903 à 1938. Retour sur la vie et l’œuvre de cet alpiniste hors norme.
À l’heure du GPS et de « Google earth », s’orienter et visualiser notre environnement ne nous pose guère de problèmes. Mais ceux qui nous ont précédés n’ont pas attendu l’apparition de ces technologies pour tenter de mesurer et représenter au mieux le monde qui les entourait.
Paul Helbronner était de ceux-là. Brillant mathématicien et alpiniste chevronné du début du XXe siècle, il s’appuya sur ces deux champs de compétence pour mener à bien la mission qu’il s’était fixée : dresser la carte précise et exhaustive des Alpes françaises.
Une impossible toile à tisser
La géodésie est la science de la mesure de la Terre. Elle fait abondamment usage des propriétés géométriques des triangles, notamment celle voulant qu’un triangle puisse être défini si on connaît un de ses côtés et deux de ses angles.
L’outil essentiel du géodésien aux temps de Paul Helbronner est le théodolite : cet instrument permet de mesurer les angles entre deux objets situés dans son champ de vision.
Le travail du géodésien consiste donc en définir les points de repère et mesurer distances et angles entre eux pour ensuite, à l’aide de formules mathématiques complexes, établir leur éloignement les uns des autres pour les placer précisément sur une carte.
Si aujourd’hui nous confierions les tâches de calcul à des ordinateurs, cette option est inaccessible à l’époque de Paul Helbronner, qui doit effectuer lui-même toutes les opérations, après s’être déplacé en personne sur le terrain pour prendre les mesures. Or son terrain, rappelons-le, c’est le massif alpin, ses lignes de crête et ses sommets…
Une quête scientifique et esthétique
De telles difficultés en décourageraient plus d’un mais Paul Helbronner n’est pas n’importe qui. Féru d’alpinisme, cet élève de Polytechnique a la condition physique et le savoir requis pour cette tâche mais surtout, la passion qui le soutiendra durant les trente-cinq ans qu’il y consacrera.
Car les motivations de Paul Helbronner ne sont pas purement académiques : c’est d’abord un amoureux de la montagne, de ces Alpes pour lesquelles il a eu le coup de foudre à dix-huit ans, lors d’un premier séjour à Chamonix en 1889. Il n’aura de cesse de les photographier et de les peindre en même temps qu’il les explore et les mesure.
Autant d’approches visant à cerner l’objet de sa passion, mieux le connaître afin de le capturer sur le papier. De cette aspiration nous restent la monumentale somme de données qu’il a collectées (les douze tomes de sa Description géométrique détaillée des Alpes françaises) et les splendides aquarelles pour lesquelles l’adjectif « photo-réaliste » s’impose.
Ce sont ces paysages et le récit de sa vie et de son œuvre, lesquelles se confondent, que nous présente ce bel ouvrage : l’histoire d’une araignée mathématicienne qui tissait une toile de droites et de formules au sommet des montagnes…
Les Alpes d’Helbronner – Mesures et démesure
Daniel Léon
Éditions Glénat / Musée Dauphinois
160 pages / 49 €