Femme très active dans les associations grenobloises liées à la précarité, Messaouda Tebbi ne se lasse pas des rencontres, d’apprendre des autres. Toujours en compagnie de sa fidèle compagne Cheyenne.
Vous pouvez la croiser aux réunions Parlons-en, avec le collectif Mort de rue, à l’accueil de jour Le fournil ou au Local des femmes à Grenoble. Messaouda Tebbi, 42 ans, participe depuis des années à ces structures qui touchent, de près ou de loin, à la précarité. Toujours accompagnée de sa fidèle compagne Cheyenne, née d’un croisement entre Yorkshire et Griffon.
“Abîmé par la rue”
Sa ville de cœur n’est pas Grenoble, mais bien Fontaine où elle a grandi et étudié jusqu’au collège. Pour preuve, elle y est retournée en 2013, après un passage de quelques années au 40 galerie de l’Arlequin à Grenoble. Un appartement prêté par Oasis 38, un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale.
Oui, la vie de Messaouda Tebbi porte des teintes de noir. En 2005 et 2006, elle passe 6 mois comme Sans Domicile Fixe (SDF). On ne saura pas pourquoi. C’est à cette époque qu’elle rencontre Francis, “plus âgé que moi, dans les 50, 52 ans” à l’époque. Lui aussi était SDF. Tous les deux ont pu habiter ensemble à l’Arlequin, mais elle n’a jamais été mariée ou pacsée avec lui. En 2010, Francis décède : “il était abîmé par la rue, mais il n’est pas décédé dans la rue”, précise Messaouda Tebbi.
La parole comme point fort
Très sensible à cette question des SDF, elle participe à la création du collectif local Mort de Rue de Grenoble. Le collectif national n’était pas encore présent dans cette ville. L’initiative a été motivée à la fois par les rencontres des collectifs de province à Paris une fois par an, et à la fois lors de discussions à Parlons-en, qui lui existe depuis 2009.
Les discussions, les échanges, ce sont les points forts de Messaouda Tebbi, “quand j’ai quelque chose à dire, je le dis”. Elle aime le contact avec les gens. Malgré les années qui passent “ça ne me lasse pas” raconte t-elle, “on apprend beaucoup de thèmes, tout ce qu’on ne connaît pas, sur la santé. J’ai appris beaucoup de choses”.
Entre femmes
Oui, la vie de Messaouda Tebbi, c’est aussi des repères forts. Avec Le local des femmes, elle s’est trouvée un vrai “clan de femmes au local des femmes”, dit-elle avec le sourire. Ce lieu d’accueil destiné exclusivement aux femmes SDF, se situe à côté du carrefour Chavant et du Parc Paul Mistral. Celles qui ont déjà un appartement s’y retrouvent avec les sans-domicile pour échanger autour d’un repas. “On choisit ce qu’on veut manger à 11h30, on prépare, on mange, on débarrasse, on fait la vaisselle.” Des petites choses simples comme repères. Dans l’après-midi, les femmes peuvent profiter d’une chambre pour dormir ou d’une douche. Certaines fument, d’autres discutent.
Récemment, une journaliste est venue à la rencontre du Local des femmes. Messaouda Tebbi a répondu à ses questions pour un reportage à destination de la chaîne de télévision Numéro 23. Pour elle, les médias c’est plutôt la lecture des faits-divers dans le Dauphiné-Libéré. Le côté “qui c’est qu’à tué qui, qui c’est qu’à braqué quoi” semble la distraire. Tout en rappelant bien que ce qu’elle vit n’a rien de comparable, “ce n’est pas la même chose”.
Quelques liens familiaux
Il y a aussi Facebook pour obtenir des nouvelles de la famille. Plutôt des nièces, oncles et cousins. De ces 9 frères et soeurs, elle ne garde que peu de contacts. Son père est décédé en 2002 et sa mère en 2008. Le sujet est sensible, “non là, je ne réponds pas”. Il y a tout de même une sœur avec qui elle entretient de bons contacts. De ce côté là, elle a même un chouchou, son neveu Quentin, 28 ans. “Le 13 mars, c’est moi la première qui lui envoie un sms pour lui dire bon anniversaire”. Messaouda Tebbi est musulmane non pratiquante. Elle a été éduquée avec la religion, mais aujourd’hui ne fait pas la prière, ni le ramadan. Elle se revendique “quand même musulmane, je ne mange pas de porc”.
Cheyenne alias “Super-glu”
Oui, la vie de Messaouda Tebbi connaît un grand témoin, sa chienne Cheyenne qui la suit partout depuis 10 ans. La femelle suit sa maîtresse à la trace. D’où son surnom “super-glu”. “Je suis vite reconnaissable avec elle.” Cheyenne a même ses entrées au Patio de La Villeneuve car “le vigile la connaît”. De nature très calme, elle a rencontré Messaouda Tebbi à 2 mois, dans un centre d’hébergement d’urgence pour ceux qui ont des chiens. Francis, son compagnon de rue, avait récupérée Cheyenne par l’intermédiaire d’une copine, mais “au lieu de s’accrocher à lui, elle s’est accrochée à moi”. Et pour créer ce lien, nul besoin de mots.